dispositions. « Bien loin de me blesser, écrit-il, la franche et hardie question de M. Bresson me plut et redoubla la confiance que je lui portais déjà ; je me tins pour assuré que nous avions à Madrid un agent qui, dans un moment critique, n’hésiterait pas à prendre une grande responsabilité, et ne se laisserait prévenir ni arrêter par aucune intrigue, espagnole ou diplomatique. » Si le comte Bresson a connu ces sentimens de M. Guizot, et n’est-il pas bien difficile qu’il les ait ignores ? il pouvait presque y trouver le blanc-seing qu’il demandait.
Ce programme que M. Guizot venait de lui indiquer, le comte Bresson l’adopta loyalement, quoiqu’il en eût un autre au fond du cœur, et, selon son habitude, il s’y employa aussitôt avec feu. C’était le moment où sir Henry Bulwer, recevant du foreign office des indications analogues, mais données un peu mollement, préférait suivre ses propres idées, car il avait son système comme le comte Bresson avait le sien. Le système du comte Bresson, c’était la reine d’Espagne mariée à un fils de Louis-Philippe ; le système de sir Henry Bulwer, c’était la reine d’Espagne mariée au prince de Cobourg. Seulement le comte Bresson était bien décidé à servir d’abord le programme que lui dictaient ses instructions, et à ne s’en écarter, s’il le fallait, qu’à la dernière extrémité, tandis que sir Henry Bulwer commençait résolument par son programme à lui, sans trop se soucier des ordres officiels. Sir Henry comptait bien que s’il parvenait à faire d’un Cobourg un roi d’Espagne, la victoire justifierait son équipée, et que les protecteurs ne lui manqueraient pas à la cour du prince Albert. Ainsi, des deux ambassadeurs qui, d’après la volonté commune de M. Guizot et de lord Aberdeen, devaient travailler ensemble au mariage du comte de Trapani avec la reine Isabelle, un seul, le comte Bresson, était franchement à l’œuvre ; l’autre, sir Henry Bulwer, agissait pour le prince de Cobourg. Bresson le savait bien et redoublait d’activité, mais plus il y mettait d’application, plus il excitait l’ardeur de Bulwer. C’était comme une course d’Epsom. À travers les obstacles, à travers les casse-cous, qui des deux arriverait le premier ?
La course dura plus de deux ans. Les péripéties de la lutte remplissent les années 1844, 1845, et se prolongent quelques mois au-delà. Bulwer trouva d’abord un grand secours dans l’affection même de la reine-mère Marie-Christine pour la famille du roi Louis-Philippe. La reine-mère disait souvent au comte Bresson : « Donnez-nous donc un de vos princes, » et le comte Bresson, fidèle à sa consigne, lui répondait qu’il n’y fallait pas compter, à moins d’événemens imprévus. Un jour, entraîné par l’idée qui l’obsédait, l’impétueux diplomate ne put se retenir d’en parler à la reine-mère ; il lui raconta en riant que le chargé d’affaires de Belgique glissait