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Rhamsès V, qu’il faudrait, selon M. Mariette, restituer à Rhamsès VI ? Rien de plus exact et de plus expressif que la description qu’en a faite Champollion le jeune : « On y voit le dieu Atmos assis sur son tribunal, pesant à sa balance les âmes humaines qui se présentent successivement. L’une d’elles vient d’être condamnée ; on la voit ramenée sur terre dans, un bari qui s’avance vers la porte gardée par Anubis, et conduite à grands coups de verge par des cynocéphales, emblèmes de la justice céleste ; le coupable est sous la forme d’une énorme truie, au-dessus de laquelle on a gravé en gros caractères gourmandise ou gloutonnerie, sans doute le péché capital du délinquant, quelque glouton de l’époque. On voit ensuite le dieu visiter les champs élysées de la mythologie égyptienne, habités par les âmes bienheureuses se reposant des peines de leurs transmigrations sur la terre. On les voit présenter des offrandes aux dieux, ou bien cueillir les arbres célestes de ce paradis ; d’autres tiennent en main des faucilles : ce sont les âmes qui cultivent les champs de la vérité ; enfin on les voit se baigner, nager, sauter et folâtrer dans un grand bassin rempli d’eau céleste et primordiale. »

Comme dernier témoignage du luxe funéraire égyptien mis en rapport avec l’idée de la persistance de la vie, il faut invoquer l’appropriation vraiment extraordinaire des ornemens intérieurs des sépulcres à la personne du mort, à son caractère, à ses occupations, à ses goûts. Comment se défendre de l’idée qu’ils étaient de leur vivant amateurs du jeu, ces trépassés qu’on trouve en compagnie de jeux d’échecs, à pions à terre émaillée, contenus dans d’élégantes boîtes de sycomore ? Si à côté du guerrier reposent des armes sculptées, si le prêtre n’a pas été séparé de ses vases sacrés et de ses encensoirs, les femmes riches retrouvent toutes les images du luxe et de l’élégance, les boîtes d’un bois précieux, les vases d’albâtre, les meubles de toilette sculptés délicatement, les fioles, l’antimoine pour peindre les yeux, le fard pour le visage, les pommades odorantes pour les cheveux, les bijoux et les colliers, les bracelets, les pendans d’oreilles en or finement ciselé, les peignes d’un curieux travail, enfin les miroirs de métal à poignée d’ivoire, complément nécessaire de toutes ces parures. La momie parée elle-même est devenue un incroyable objet de luxe. Recouverte souvent de vêtemens fort riches, elle est parfois enveloppée de la tête aux pieds d’un véritable suaire tressé en filets de perles de couleur. Au milieu de tel de ces suaires brille une longue plaque d’or verticale, au-dessous de quatre génies en or repoussé. Un beau scarabée en lapis-lazzuli étend ses longues ailes d’or au-dessus d’eux. Dans les hypogées de Memphis, les plus anciens, on trouve fréquemment sur les morts des espèces de camisoles de laine brodées en soie. Certaines momies ont la face, les ongles des pieds et