Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un faste à bien des égards plus mondain. Ces sépultures semblaient moins parler aux hommes des graves mystères de la mort que leur conseiller de se hâter de jouir de la vie. Ces morts, dont les bustes vous regardent, ces statues, souvent debout, fièrement drapées, dominent la foule. Plusieurs de ces tombeaux ressemblent à des temples avec fronton et colonnes. Le grand nombre des stèles porte le même orgueilleux témoignage ; elles sont loin d’avoir toujours le même caractère religieux que les stèles égyptiennes où le mort est habituellement représenté rendant hommage à une divinité et recevant lui-même l’hommage des différentes personnes de sa famille. Chaque condition a son faste. Si toute la grandeur de la puissance impériale paraît dans les mausolées d’Auguste et d’Adrien, si la fierté aristocratique respire dans la grande tour des Scipions et dans le môle immense de Cœcilia Metella, la richesse rivalise avec la noblesse héréditaire dans la grande pyramide de Cestius, un simple prêtre épulon, et les Columbaria sont eux-mêmes les magnifiques nécropoles des affranchis et même des esclaves de maîtres opulens. On voulut en vain lutter par des lois somptuaires contre ces dispendieux abus de la pierre, du granit et du marbre. Quand César défendit de dépenser au-delà d’une somme fixe « pour le sépulcre, » on joua sur les mots : on la dépensa, pour le monument qui le recouvrait. La classe peu riche eut aussi sa part de ce genre de luxe. Elle eut recours à l’emploi d’imitations pour en décorer les chambres sépulcrales. On fit avec des terres peintes de différentes couleurs des colliers, des bijoux, des miroirs pour la Romaine de condition moyenne. Un autre faste, à vrai dire le moins coûteux de tous, fut aussi fort en honneur, celui des épitaphes, plus orgueilleuses que les statues de marbre. C’est par ces inscriptions, non moins que par les emblèmes mythologiques, que l’on peut tirer du faste funéraire à Rome les indications religieuses et philosophiques qu’il renferme. Là se manifestent mieux peut-être que partout ailleurs les alternatives de foi et d’incrédulité, les retours vers la religion nationale, les périodes de scepticisme presque général, qui marquaient successivement ces siècles où le paganisme s’obstine à vivre, à travers des défaillances qu’on a eu le tort de prendre pour la mort définitive. C’est ce qu’on trouvera expliqué, mieux que je ne le pourrais faire, dans des ouvrages tels que ceux de M. Friedlænder sur Rome depuis Auguste jusqu’à la fin des Antonins, et dans le livre de M. Gaston Boissier sur la Religion romaine. L’incrédulité parle plus d’une fois, il est vrai, sur les tombeaux un langage provocant ; mais combien il est rare que l’intérieur des tombes ne le démente pas ! Le plus souvent l’idée, vague peut-être, mais persistante, d’une existence ultérieure, s’y retrouve. Malgré