fondaient sur les rabatteurs avec des cris affreux et les bousculaient au passage. Enfin les deux fugitifs, serrés de près et saisis chacun par une patte, durent rentrer au logis, accompagnés de coups de houssine qui faisaient courir un frémissement le long de leur croupe charnue et leur arrachaient des grognemens de mauvaise humeur. Singuliers contrastes des temps et des choses ! voilà donc les scènes qui se passent de nos jours aux lieux mêmes où le culte chrétien, menacé par l’islamisme, venait jadis abriter les pompes de ses cérémonies !
Cependant, rassurée de ce côté, la gouvernante s’était offerte à nous diriger. L’intérieur de la basilique, composé d’une seule nef, est absolument nu et froid ; la truelle des restaurateurs n’a rien laissé à admirer ; l’ancienne abside, d’un dessin fort élégant, est complètement masquée par le grand autel et le grossier retable qui l’accompagne. Par une autre anomalie qu’on a peine à s’expliquer au premier abord, mais qui a sa cause dans un événement plus ancien déjà, au lieu d’une coupole dans le goût du temps où vivait Cascante, le temple est couvert d’une voûte dont les arceaux, légèrement relevés au centre, annoncent le triomphe d’un genre nouveau. Il est à croire que, vers la fin du XIIIe siècle, la basilique fut victime d’un incendie ; on se hâta de la réparer du mieux qu’on put, ce qui porte à trois, non compris la restauration définitive, les styles appliqués à l’édifice byzantin, roman et ogival. De fait, la toiture primitive dépassait de plus de 2 mètres la voûte actuelle, ainsi que le prouve la hauteur des murs encore debout ; le dôme lui-même a existé, et l’on en distingue fort bien les quatre tympans, un peu au-dessus de l’endroit d’où partent les arcs ogivaux. On y arrive par le presbytère, au bout d’une série d’escaliers étroits et de planchers tremblans où le pied ne se pose qu’avec défiance. A la vérité, malgré mes recherches, je n’ai pu retrouver les statues des quatre évangélistes qu’on m’avait signalées et qui, selon l’usage, devaient orner les tympans ; je n’ai vu que des murs nus, des pierres brutes à demi descellées, des poutres noires garnies de toiles d’araignée au long desquelles le rat de cave de la bonne femme, brûlant avec peine dans cette atmosphère lourde de chambre close, jetait en tremblotant des lueurs fugitives et fantastiques.
Plus misérable encore est l’aspect d’Estibaliz, à 2 lieues à l’est de Vitoria ; il y eut là aussi autrefois une ville considérable, à la même époque où florissait Armentia ; elle portait le nom de villa-franca de Estibaliz, en témoignage des franchises accordées à ses habitans. C’est maintenant un endroit désert, un de ces despoblados comme on en trouve un peu partout sur la carte d’Espagne. Seule, au sommet d’une hauteur isolée, pierreuse, qu’occupait la cité, s’élève l’église de Santa-Maria, fondée anciennement par les moines