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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/584

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Mort qui montre au maréchal le cercueil ouvert. De l’autre côté se tient Hercule, symbolisant la force. En somme, l’impression que l’on reçoit nous paraît assez analogue à celle que l’on éprouve en lisant les parties les plus fortes du Brutus ou de telle autre tragédie romaine de Voltaire. Dans d’autres monumens funéraires, je serais tenté de reconnaître le même esprit brillant qui a créé Alzire et Tancrède. Quelquefois c’est à un ordre de poésies moins élevé qu’il faudrait demander des analogies. Nous en étions frappé naguère dans cette admirable cathédrale de Sens, où l’on voyait, avant la révolution, le majestueux mausolée du cardinal Duprat, dont on n’a pu conserver que les bas-reliefs et deux belles statues en marbre blanc agenouillées. Aujourd’hui on ne trouve comme monument à contempler qu’une de ces œuvres où le faste funéraire du XVIIIe siècle a mis sa marque si reconnaissable. Le tombeau du dauphin, fils de Louis XV, père de Louis XVI, et de sa femme Marie-Josephe de Saxe, est une œuvre où les hommes de l’art apprécient les qualités distinguées qui composent le talent de Guillaume Coustou, et c’est assurément ce qu’on pourrait nommer un fort joli tombeau; mais nous doutons qu’on rencontre plus d’allégories sentimentales et de froids emblèmes mythologiques dans les vers de Dorat et des autres poètes du temps. Les statues de la Religion et de l’Immortalité s’y montrent, mais combien avec plus d’art que de conviction! L’artiste y a joint un petit Génie des sciences s’appuyant sur une sphère et plusieurs instrumens scientifiques. Du côté opposé, deux autres statues représentent le Temps et l’Amour conjugal, auxquels un Génie montre une chaîne de fleurs brisée. Les inscriptions, les emblèmes, les écussons achèvent d’écarter l’idée sérieuse de la mort : c’est tout au plus si on y est vaguement ramené en voyant les deux urnes en marbre blanc qui surmontent ces magnifiques blocs de marbre si bien sculptés. Sans doute un talent voisin du génie a rendu, vers la fin de ce siècle, éclat et énergie à ce faste funéraire un peu trop affadi. Pourtant Canova, malgré son noble effort de retour à l’antique, confirme autant que quiconque ce que nous avons dit de l’art funéraire au XVIIIe siècle en général. Ni le pompeux mausolée de Clément XIV ni son propre tombeau, œuvre de ses mains, qu’il destinait au Titien, que l’on visite à Venise, dans l’église de Santa-Maria dei Frari, ne démentiraient ce jugement.

Comment, occupé surtout à rechercher dans le faste funéraire une expression des temps, omettrais-je de remarquer une forme assez nouvelle que le XVIIIe siècle lui a imprimée en consacrant de vrais panthéons à l’illustration personnelle? Ici, qu’on nous permette de donner le pas à l’Angleterre sur la France et de ne pas insister sur le monument assez pauvre qui, sous ce nom même de Panthéon,