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produit le faste funéraire, et on se vengea sur les monumens de la piété nationale comme sur ceux de la vanité humaine. Cette haine systématique portée au faste funéraire du passé, quel qu’en fût le caractère, a reçu son expression la plus complète, c’est-à-dire la plus idiote, dans une adresse à la Convention des habitans de Saint-Denis, qui avait alors échangé son nom contre celui de Franciade. « L’or et l’argent qui enveloppent les guenilles sacrées de Saint-Denis, disait l’orateur chargé de porter la parole, vont contribuer à affermir l’empire de la raison et de la liberté... vous, jadis les instrumens du fanatisme, saints, saintes, bienheureux de toute espèce, montrez-vous enfin patriotes, levez-vous en masse, marchez au secours de la patrie, partez pour la Monnaie !.. Il ne reste à Franciade qu’un autel d’or. Nous vous prions de donner ordre à la commission des monumens de nous en débarrasser sans délai, pour que le faste catholique n’offense plus nos yeux républicains. » On fit en effet porter à la Monnaie, avec beaucoup d’autres objets précieux, les trois cercueils d’argent où étaient renfermées les reliques de saint Denis et de ses deux compagnons de martyre. Tandis que les morts qui dormaient là depuis des siècles étaient traités avec cette brutalité qui se hâtait d’en faire disparaître les restes en même temps qu’elle dépouillait les tombeaux des valeurs qu’on y avait enfouies, les morts de la veille étaient traités, sous le règne de la commune, avec un cynisme plus choquant encore. On enterrait en chantant le Ça ira ; à la place du prêtre, un commissaire avec un bonnet phrygien, l’assistance, coiffée de la même façon, le cercueil enveloppé d’un drap tricolore : à peine un tombeau et point d’emblèmes.

Une réaction énergique éclatait sous le directoire et se prolongeait, en s’accusant encore davantage, sous le consulat. La police des cimetières fut rétablie, et avant même que l’administration du célèbre préfet Frochot inaugurât l’ère nouvelle des cimetières de Paris, on mit plus de décence dans les obsèques et dans les enterremens; on s’enquit quel pourrait être le faste funéraire compatible avec les principes de la révolution. Ici on se divisait : les uns n’en voulaient aucun ; simplicité austère, égalité ou peu s’en faut, voilà la réforme radicale qu’ils méditaient. D’autres se montraient plus accommodans sur l’inégalité ; seulement ils auraient voulu se passer des anciens emblèmes religieux. Cette singulière préoccupation se montre dans le programme de l’institut national, qui mit la question au concours. Le programme demandait un code de cérémonies funèbres dans lesquelles il ne serait introduit aucune forme qui appartint à un culte quelconque. Un luxe tout civil de funérailles et de sépultures, tel était l’idéal, peu facile à réaliser, qu’on imposait aux concurrens. Nous avons lu les mémoires que ce