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tué si malheureusement en duel au Caire, que M’tesa avait fait assassiner traîtreusement Linant de Bellefonds par l’escorte même qu’il lui avait donnée. Les deux grands lacs sont réunis par une rivière que l’on peut considérer comme la continuation du Nil, aussi l’a-t-on appelée le Nil-Victoria; mais, comme la différence d’altitude entre le lac Albert, à 670 mètres, et le lac Victoria, à 1,120 mètres, est de 450 mètres, cette rivière n’est pas navigable. A peine sortie de la baie Napoléon, elle forme les chutes Ripon et les rapides d’Isamba. Après avoir reçu un affluent qui sort de vastes marais, le Luadcherri, elle traverse le lac Ibrahim, découvert par Long en 1874. Grossie des eaux du Kafour, qui vient des montagnes de l’Ouganda, elle se resserre bientôt entre des rives escarpées. Après les chutes de Karuma, elle forme encore, sur une étendue de 30 kilomètres, huit rapides ou cascades. Enfin, avant d’arriver au lac Albert, elle se précipite d’une hauteur de 20 mètres. Cette chute, nommée Murchison, entourée d’une végétation admirable, en vue du beau lac qui s’étend au-dessous et des Montagnes-Bleues, qui couronnent l’horizon, constitue, d’après Baker, le plus merveilleux paysage qu’on puisse contempler.

il n’y a plus de doute maintenant, c’est le Victoria-Nyanza, et non le Tanganyka, qui est le réservoir supérieur du Nil ; mais quel est celui de ses nombreux affluens qui peut revendiquer l’honneur d’être vraiment la source du fleuve? On a cru d’abord que c’était le Kadjera, qui forme deux lacs alpestres, le Windermere et l’Akenyara, et qui descend du haut plateau de l’Ouzinza. Aujourd’hui on pense que la vraie source du Nil est le Schimyu, qui vient du sud et qui apporte dans le golfe Speke, au sud-est du lac Victoria, une masse d’eau plus considérable que le Kadjera. A 1 degré sud de la ligne s’étend entre les deux grands lacs la région montagneuse d’Arikori et de Rouanda, récemment visitée par Stanley. C’est un pays admirable. Au fond de vallées toujours verdoyantes se précipitent d’innombrables torrens, et dans les nues surgissent des pics élevés de 4,000 à 4,500 mètres, comme le Combiro et le Gambaragara. Ce sont les escarpemens des Alpes et les frais paysages du Tyrol sous les feux du soleil équatorial. On y jouit en même temps de l’air vivifiant des hautes stations de l’Europe et de l’égalité du climat de la zone équinoxiale. On ne peut rien souhaiter de mieux pour entretenir la santé et pour favoriser le travail. Des populations d’origine européenne pourraient donc y vivre et s’y développer.

Immédiatement au-dessous du lac Albert, à 3 degrés sud de l’équateur, s’étend le lac Tanganyka, découvert par Button et Speke en février 1858. Comme le lac de Côme, il a presque l’aspect d’un énorme fleuve, car, sur une longueur de 670 kilomètres, sa largeur