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Dans ce dernier cas, il ne pourrait manquer d’offrir plus tard des facilites pour les relations à établir avec cette vaste région qui, située entre le golfe de Guinée et les grands lacs, est encore complètement inexplorée.

D’après le commandant Cameron, c’est en remontant les grands fleuves qui viennent du plateau central que le commerce et la civilisation y pénétreront le plus facilement; malheureusement le continent africain présente une particularité qui ne se rencontre guère ailleurs et qui met obstacle à une navigation régulière. A très peu de distance des côtes, le terrain se relève brusquement en un massif montagneux, et les rivières, au lieu d’y avoir creusé, comme dans les autres contrées, un lit en pente douce, en descendent sous forme de rapides et de chutes. Il faudrait franchir ces obstacles par des portages qu’un tramway remplacerait avantageusement. Au-delà, de petits steamers en acier, très légers et d’un faible tirant d’eau, porteraient les voyageurs et les marchandises jusqu’au cœur du continent. On pourrait même, prétend Cameron, passer ainsi d’un océan à l’autre, car le Zambèse et le Congo sortent également des plaines marécageuses du lac Dilolo, et à l’époque des pluies leurs sources sont réunies. Tout le pays ressemble alors à une gigantesque éponge, et les cours d’eau sont si nombreux que Living- stone en a compté trente-deux sur une distance de 112 kilomètres. Cameron en a relevé quatre-vingt-dix-sept se jetant dans le Tanganyka, dont plusieurs sont très importans et formés eux-mêmes par de nombreux affluens. On a comparé très justement les mailles serrées de ce réseau hydrographique aux innombrables veinules qui se ramifient sous l’épiderme du corps humain. L’abondance des eaux est telle que les rivières sont navigables presque dès leur source et qu’un canal de quelques lieues suffirait pour réunir le bassin du Congo à celui du Zambèse. Récemment le gouvernement portugais a accordé l’autorisation de faire naviguer des bateaux à vapeur sur ce dernier fleuve, et la station de Livingstonia possède un petit steamer, le Ilala, sur le Nyassa. Si la branche encore inexplorée du Nil, l’Iei, n’est pas interrompue par des rapides, de petits bâtimens à marche rapide remonteront facilement de la Méditerranée jusqu’au fond du lac Albert. Déjà, en janvier 1876, le colonel Gordon a fait transporter et rassembler au-delà des rapides de Duffli toutes les parties d’un steamer de 15 mètres de longueur et de deux barques en fer, au moyen desquels Gessi a exploré tout le lac Albert. A la fin de juillet de la même année, un second vapeur a accompli le premier voyage, de Duffli jusqu’à Magongo, sur le Nil-Victoria, jusqu’aux limites des états du roi M’tesa sur le lac Victoria. Comme Gordon s’était rendu, au printemps de 1874, en moins de six semaines, du Caire à Gondokoro, on peut affirmer qu’aujourd’hui