Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/660

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le vieux Welf, castellan d’Osbor, résistant au duc de Thuringe, au roi d’Arles, à l’empereur d’Allemagne, bravant les sommations de la diète de Spire, refusant de livrer son château-fort, tenant en échec des milliers de piques, et attiré dans un piége par la voix d’une pauvre mendiante mourant de faim et de froid ; mais, sans parler du rôle odieux qu’il attribue au pape Sylvestre dans cette histoire trop naïve, comment le poète accorde-t-il avec les idées générales de son livre cette étrange glorification de l’aristocratie féodale  ? C’est une pensée généreuse de protester par les clameurs du comte Félibien, par le dédain de Masferrer, contre les tyrannies et les violences ; mais qu’est-ce que cette manie de vouloir que les empereurs et les rois aient toujours été des bandits, qu’il n’y ait jamais eu parmi les souverains de vrais chefs de peuple, des protecteurs, des pasteurs, des gardiens de la loi, chargés de la défense de tous contre les despotismes d’en bas ? Et s’il parle de la révolution, s’il veut absolument faire rimer Sieyès avec facies, s’il ne peut se priver du plaisir de traiter à sa façon les guerres civiles de notre siècle, pourquoi ne porte-t-il pas dans ces sujets l’impartialité qui convient au penseur ? N’a-t-il pas donné dans un autre recueil un assez libre cours à ses ressentimens personnels ? Est-ce qu’il n’y a eu en France, depuis quatre-vingts ans, qu’un seul genre de coups d’état ? est-ce que le 18 fructidor n’a pas donné l’exemple au 18 brumaire ? Condamnons également tous ces actes, la justice le veut. Sinon, gardons le silence. Quand M. Victor Hugo s’obstine dans une inspiration de haine, sans permettre à l’équité de faire la part de chacun, il nous rappelle ces vers, écrits par Sainte-Beuve il y a une vingtaine d’années, et qui coururent alors dans le monde des lettres, ces vers inédits où il peint un Cyclope, un Polyphème,

Qui, du haut de son rocher noir,
L’œil en feu, l’âme en frénésie,
Debout, farouche, horrible à voir,
Lance des blocs de poésie.


Revenons aux lettres et notons ce mot de Sainte-Beuve, qui, avec sa pénétration merveilleuse, avait si bien deviné la théorie du mur des siècles ; ce sont bien des blocs de poésie, comme il disait. Il faut ajouter que dans ces blocs les concetti ne manquent pas. C’est ce qui rend les procédés de M. Victor Hugo si faciles à imiter. Il y a des gens d’esprit qui excellent à parodier ces grands mots, ces grands vers, sublimités inintelligibles mêlées de trivialités prétentieuses. On les écoute et on rit, sans que ce franc rire porte atteinte au génie du poète. Mais que dire lorsque ces parodies se rencontrent dans son texte même ? Majorien, prétendant à l’empire, est