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de curiosité, une passion de recherches comme on n’en avait pas vu depuis longtemps et que récompensaient les plus brillantes découvertes. Malheureusement tout s’est bien ralenti, après quelques années. Le mauvais état des finances italiennes a forcé le gouvernement d’être moins libéral qu’il ne l’aurait fallu; il est aussi arrivé que les archéologues, genus irritabile, ne se sont pas bien entendus ensemble, et l’on a perdu en querelles un temps qui pouvait être mieux employé. Quelques mécomptes, survenus pendant qu’on cherchait le sol antique du Colisée, amenèrent de très vives réclamations; l’opinion publique s’émut, et le gouvernement, après avoir consulté une commission municipale composée des plus grands archéologues de Rome, MM. de Rossi, Visconti, Lanciani, etc., et à laquelle on avait adjoint pour la circonstance quelques savans étrangers, comme MM. Henzen et Gregorovius, prit le parti d’interrompre les travaux. C’est alors que le dernier ministre de l’instruction publique, M. Bonghi, qui voulait mettre fin à tous ces tiraillemens et donner aux recherches plus d’unité, décida de créer une direction générale des fouilles et des antiquités pour tout le royaume et d’en charger M. Fiorelli.

Malgré ces quelques mésaventures de détail, on peut dire que les travaux entrepris à Rome dans ces dernières années ont eu les meilleurs résultats. Ce qui en explique le succès, c’est qu’en général ils ont été conduits avec méthode et dans un esprit scientifique. Ce mérite a été jusqu’à nos jours assez rare. Il y a eu certes avant nous de très habiles archéologues, mais l’archéologie date d’hier. Les princes qui depuis la renaissance ont fait fouiller le sol des villes antiques y cherchaient uniquement des statues, des curiosités, des objets d’art, pour décorer leurs palais; le reste leur importait peu. S’ils rencontraient par bonne fortune quelque grand édifice souterrain, ils en enlevaient en toute hâte tout ce qui pouvait s’emporter, les peintures des voûtes, les mosaïques des pavés, les marbres des murailles. Ils achevaient de le saccager et s’empressaient ensuite d’en faire recouvrir les débris. Il y a donc beaucoup à rabattre des éloges qu’on accorde à ces prétendus amis de l’antiquité; ils ont moins conservé qu’ils n’ont détruit, et il est difficile d’évaluer au prix de quelles ruines irréparables se sont formés ces musées qui leur ont valu tant de gloire. Il convient d’autant plus de protester contre ces procédés barbares que même aujourd’hui tout le monde n’y a pas encore renoncé. On raconte à Rome qu’ils sont pratiqués tous les jours dans les fouilles faites à Porto, et qu’on se contente d’y recueillir tout ce qui peut accroître les riches collections d’un grand seigneur. On dit tout haut que, les ouvriers ayant trouvé sous leurs pioches les ruines d’un palais magnifique, tout a été dévasté et enterré, sans même qu’on permît