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qui était l’œuvre du grand homme d’état, son ami. « Maintenant, disait-il, les Esquilies sont devenues une demeure saine, et l’on se promène agréablement à l’endroit où naguère des ossemens blanchis, semés dans la campagne, attristaient les regards. »

Il n’est donc pas étonnant qu’on ait trouvé tant de restes de sépultures sur une montagne qui a servi si longtemps de cimetière. Quand on entreprit d’y creuser des tranchées pour les fondemens des maisons nouvelles, la pioche rencontrait à chaque instant des ossemens et des tombes. Parmi ces tombes, dont quelques-unes sont intéressantes par les inscriptions qu’elles portent ou les objets d’art qu’elles renferment, il ne fut pas difficile de reconnaître les puticuli. C’étaient de petites salles rectangulaires, creusées jusqu’au roc, avec des murs épais et grossiers. Elles étaient placées à la suite les unes des autres, mais sans communication entre elles; elles ne pouvaient donc s’ouvrir qu’à leur partie supérieure, et c’est de là qu’on descendait, ou, comme disait le peuple, qu’on jetait les cadavres sur le sol. Lorsqu’un esclave n’avait pas pu épargner sur sa maigre nourriture un peu d’argent pour s’acheter une place dans un pauvre columbarium, ou qu’il avait négligé de se faire affilier à l’une de ces sociétés qui se chargeaient d’ensevelir décemment leurs membres, ses camarades venaient le prendre la nuit dans l’étroite cellule où il était mort. On le plaçait en toute hâte dans une bière de louage et l’on venait le précipiter dans les puticuli. Ces funérailles furtives, cette sépulture commune faisaient horreur. Quand on se souvient des préjugés antiques, d’après lesquels le sort des âmes dans l’autre vie dépendait de l’observation des rites funéraires et de la possession d’une tombe, on est convaincu qu’il n’y avait pas de pire tourment pour ces malheureux, pendant qu’ils expiraient sur leur grabat, que de songer qu’ils ne seraient pas ensevelis selon les rites, que personne ne leur adresserait l’adieu suprême, et qu’ils ne posséderaient pas un tombeau pour eux. Cependant le nombre de ceux qui se sont exposés à ce malheur a dû être considérable. On a trouvé les salles des puticuli encore pleines de cendres, d’ossemens et de débris humains, qui ont noirci le sol et les murailles en se décomposant.

Pendant qu’on travaillait à les déblayer, on fit une découverte à laquelle on était fort loin de s’attendre. Comme la roche vive formait le sol des puticuli, il était naturel de penser qu’il n’y avait rien au-dessous d’eux. On s’aperçut pourtant qu’en certains endroits le roc lui-même avait été creusé et qu’on y avait pratiqué des chambres funèbres. Ces sépultures ne sont pas seulement antérieures aux puticuli, qui ont été construits au-dessus d’elles, mais on a cru reconnaître à certains indices qu’elles étaient plus vieilles que le mur de Servius, qui est de l’époque royale. Les gens qui les creusèrent