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LES MÉMOIRES
D’UN
HUMANISTE AMÉRICAIN

GEORGE TICKNOR.
Life, Letters and Journals of George Ticknor, 2 vol. London 1876.


I. — LA JEUNESSE DE TICKNOR.

Les études littéraires possèdent, dit-on sans cesse, le précieux privilège de former le goût, d’affiner l’esprit, de redresser le jugement. Celui qui s’est imprégné de l’antiquité classique au point de mériter le beau titre d’humaniste doit être par conséquent un appréciateur éclairé des hommes et des événemens, à la condition qu’il ne subisse pas l’influence des préjugés nationaux, des amitiés ou des haines particulières. Peut-être est-il rare pour ce motif de rencontrer un critique parfait en notre société européenne, tant il y faudrait de savoir et d’impartialité. Un Américain, arrivant du Nouveau-Monde avec une préparation suffisante, serait mieux en état de nous juger, pourvu qu’il en eût le loisir et les occasions. Pour beaucoup de gens superficiels, l’Amérique n’est qu’un pays de politiques sans foi, de négocians sans scrupules, de pionniers sans éducation. Là plus qu’ailleurs ceux qui font le plus de bruit et dont on parle le plus sont aussi ceux qui le méritent le moins. Cependant en dehors de la foule qui marche à la fortune par la voie la plus courte, on rencontre aux États-Unis des savans, des lettrés, peu d’artistes il est vrai, parce que la culture des arts ne se développe