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laissé un nom honoré dans la science aliéniste, M. Félix Voisin, principes déjà mis en pratique par lui dans son établissement orthophrénique. Cette école ne tarda pas à être confiée à un homme dévoué dont le nom commence aujourd’hui à sortir de l’obscurité modeste où il a longtemps vécu : M. Delaporte. L’école de Bicêtre a longtemps végété dans le misérable local dont nous avons parlé, connue seulement des spécialistes et n’obtenant qu’une médiocre attention de la part de l’Assistance publique. Pendant ce temps, les médecins aliénistes anglais, s’emparant de cette idée, faisaient construire à Earlswood un magnifique asile qui contient aujourd’hui 800 enfans, et ils complétaient le système d’éducation intellectuelle mis en pratique à Bicêtre par l’emploi des enfans aux travaux agricoles et industriels. C’est à la suite d’une visite faite en 1861 à l’asile d’Earlswood que M. le docteur Billiod, l’éminent administrateur de la colonie d’aliénés de Vaucluse, conçut la pensée d’établir dans une ferme qui dépend de la colonie un asile pour les enfans idiots ou arriérés, mais susceptibles de recevoir une certaine éducation. La réalisation de cette pensée, poursuivie par lui avec persévérance, a été retardée par les événemens de la guerre. L’asile de Vaucluse n’a été ouvert que le 1er juillet 1876. Le noyau de la population a été formé au moyen de 30 enfans choisis dans le quartier de Bicêtre parmi ceux dont l’intelligence paraissait le plus facile à développer, à l’exclusion des épileptiques auxquels l’accès de la colonie est rigoureusement interdit. Ce noyau sera complété par des enfans qu’on recevra directement des familles comme pensionnaires. M. Delaporte a été mis à la tête de la colonie, et on n’aurait pu mieux marquer la pensée qui a présidé à cette fondation qu’en en confiant la direction à celui qui doit y remplir les fonctions d’instituteur. On ne compte pas seulement dans cette colonie enseigner aux enfans le travail agricole ; on cherchera aussi à faire de quelques-uns d’entre eux des cordonniers, des menuisiers, des tailleurs. J’ai visité la colonie de Vaucluse peu de temps après son inauguration. Je n’ai donc rien à dire des résultats de cet enseignement professionnel, et je ne puis parler que de l’installation matérielle de l’asile, qui est excellente sous tous les rapports ; mais ma visite n’a pas été perdue, car j’ai assisté à la classe des idiots. C’est un spectacle à la fois intéressant et pénible de voir au prix de quels efforts, presque douloureux, ces pauvres enfans parviennent à répondre aux questions les plus simples. Autant que j’ai pu en juger pendant la durée d’une leçon d’une heure, la grande difficulté de l’éducation des idiots provient de ce que rien ne vient en aide au maître, ni les suggestions instinctives de l’enfant, ni ses observations personnelles, ni les notions de cette expérience usuelle qu’on acquiert dès l’enfance. Il faut tout leur apprendre, même les choses