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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/847

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comme un mouvement de retour, comme un essai de réacquisition de vérités oubliées, comme expression vive, frappante et paradoxale de ces vérités; mais lorsqu’elle se donne elle-même comme une philosophie supérieure, dépassant et absorbant les précédentes, elle supprime à son tour certaines conditions de la vérité, qui ne sont pas moins nécessaires que son propre principe, et sans lesquelles ce principe devient lui-même absolument inintelligible.

Nous sommes loin de soutenir que la philosophie ne soit pas susceptible de faire des progrès et ne s’enrichisse pas continuellement. Nous croyons au contraire très fermement à la perfectibilité de la science philosophique; nous allons si loin dans cette pensée que, selon nous, cette science acquiert et s’enrichit perpétuellement non-seulement par les grands philosophes, mais encore par les petits. Au lieu de croire que les philosophes se répètent sans cesse, nous sommes au contraire frappé de ce que l’on peut trouver de nouveau dans chacun d’eux. Pascal a dit avec profondeur : « A mesure que l’on a plus d’esprit, on trouve qu’il y a plus d’esprits originaux. » De même, à mesure que l’on a plus d’expérience de l’histoire de la philosophie, on trouve qu’il y a plus de penseurs originaux. Chacun apporte sa pierre, et cela est aussi vrai du dernier venu que des précédens. Mais autre chose est dire qu’il y a des idées nouvelles et acquises à la science dans Kant, dans Fichte, dans Schelling et dans Hegel, et dans M. Secrétan, autre chose est dire que le principe de Fichte est supérieur à celui de Kant, celui de Schelling à celui de Fichte, et celui de Hegel à celui de Schelling, — enfin celui du second Schelling à celui de Hegel lui-même ; car on ne peut aller ainsi à l’infini. Nous admettons le progrès de ces systèmes, à la condition que chacun d’eux consentira à n’être qu’un appoint dans le développement de la philosophie universelle et non un centre où tout aboutit. En un mot, la philosophie de la liberté nous fournira des données qui pourraient être utilisées dans la construction d’une philosophie universelle (laquelle n’existera jamais qu’à l’état d’idée), mais non pas comme étant elle-même, ainsi qu’elle le prétend, le dernier mot. C’est ce qui s’éclaircira mieux par les observations qui vont suivre.

Dans la philosophie de la liberté, nous distinguerons deux points de vue : la liberté absolue par rapport au monde et la liberté absolue par rapport à l’absolu lui-même : sur le premier point, nous entrons assez avant dans la pensée de l’auteur ; mais nous nous en séparons absolument sur le second.

Nous accordons en effet que dans un certain théisme, celui de Platon et de Leibniz par exemple, on n’a peut-être pas placé assez haut le concept de la liberté divine. Lorsqu’on admet avec Platon