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soient affectés à la construction d’un hôpital d’enfans. Sans doute chaque service de notre Assistance publique a ses lacunes, et si j’avais étudié la question des hôpitaux d’adultes comme je viens d’étudier la question des hôpitaux d’enfans, j’aurais à signaler plus d’une amélioration qui serait un emploi utile du legs de M. Moïana. Mais une raison décisive doit, à mon avis, déterminer en faveur des enfans les préférences de l’administration de l’Assistance publique. Cette raison, la voici. L’ouverture prochaine du nouvel Hôtel-Dieu va mettre 800 lits nouveaux à la disposition de l’Assistance : publique pour le service des adultes. Si l’on veut bien par pur amour du beau architectural, ne pas condamner à mort les bâtimens de l’ancien Hôtel-Dieu, qui au point de vue hygiénique valent peut-être bien les nouveaux, et conserver au moins l’aile qui est située sur la rive gauche de la Seine, le service des adultes se trouvera sinon largement, du moins suffisamment assuré. N’est-il pas temps maintenant de songer aux enfans et de donner une satisfaction partielle aux vœux exprimés par la Société de chirurgie ? Ou bien, si, comme je le crains, cette somme est insuffisante pour l’érection et l’entretien d’un nouvel hôpital, ne pourrait-on l’employer à réaliser dans ceux déjà existans les réformes que j’ai eu occasion de signaler non-seulement comme utiles, mais comme indispensables : extension donnée au service des chroniques, ouverture de salles de rechange, de salles de récréation et de salles disposées pour recevoir des épileptiques, enfin, et par-dessus tout, adoption de dispositions sérieuses et permanentes pour l’isolement des maladies contagieuses. Si les hommes considérables dans l’administration et dans la science, si les publicistes et les personnes charitables qui se sont occupées bien avant moi de la condition de l’enfance souffrante, voulaient s’associer à l’expression de ce vœu en le fortifiant de leur autorité, l’écho en arriverait peut-être jusqu’à l’oreille de l’administration, et il aurait quelque chance d’être adopté. S’il devait en être ainsi, je ne regretterais ni la fatigue ni les impressions pénibles que j’ai dû parfois causer à mes lecteurs, et je me sentirais le courage nécessaire pour continuer quelque jour, au travers des aspects si variés de la misère chez l’enfance, un voyage dont la tristesse n’a parfois rappela ces cercles douloureux de l’Enfer du Dante, dont chacun enserre de nouveaux tourmens et de nouvelles victimes :

Nuovi tormenti e nuovi tormentati,
Mi veggio intorno, come, ch’ io mi muova.


OTHENIN D’HAUSSONVILLE.