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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/881

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moins d’adoucir ses souffrances que de le bien ensevelir, et, de peur que les membres ankylosés par l’âge ne se raidissent trop après la mort, on avait et l’on a encore soin de le revêtir vivant de son linceul. Après avoir placé de force ses jambes le plus près possible de la poitrine, on maintenait l’agonisant sous une pression énergique qui produisait souvent la fracture de quelque membre, puis on l’enveloppait dans un cuir frais que l’on cousait au moyen d’une lanière découpée dans le cuir même, qui se resserrait en se desséchant. Le vieillard pendant ce temps terminait son agonie au milieu des plus affreuses douleurs. On déposait avec le mort ses armes, ses instrumens, la nourriture dont il pouvait avoir besoin pour ce long voyage. Ces mœurs se sont conservées jusqu’à nos jours; on y ajoute, s’il s’agit d’un cacique, le sacrifice de son plus beau cheval, toujours pour le même motif. On trouve donc dans les sépultures des pointes de flèches de silex travaillé, des pointes de javelots de la même forme et matière, des petites hachettes très rondes, de petits couteaux de silex, des poteries ornées de dessins et de toutes les formes, des balles de grès avec une profonde rainure pour introduire le cuir servant à les lancer, de grands mortiers et leurs pilons, des coquilles percées d’un trou et ayant servi d’ornemens, des os de guanaques, d’autruches, de loutres ou de petits poissons destinés à la nourriture du mort.

M. Moreno eut la bonne fortune de découvrir trente cimetières de paraderos intacts, entre autres celui auquel il a fait une célébrité sous le nom de cimetière de l’Indien Pascal, fort connu dans la science anthropologique. Il y trouva des restes humains rangés en deux cercles concentriques chacun de huit cadavres, séparés par un espace de 1 mètre 1/2, formé par une éminence mamelonnée prenant naissance sur les crânes et s’élevant à peu près jusqu’à 60 centimètres; les crânes et les squelettes étaient peints en rouge, coutume aujourd’hui délaissée. Les paraderos ne contiennent pas de restes humains, mais révèlent le séjour des habitans par de nombreux débris, flèches, javelots, poteries, cailloux réunis en ordre et des traces de foyers.

Au printemps dernier, M. Moreno partit pour explorer le cours entier du Rio-Santa-Cruz, suivre les traces de Villarino, de Cox et de Musters et faire ce que ces voyageurs n’avaient pu faire, c’est-à-dire passer les Andes et aboutir à Valdivia; mais, par une circonstance fortuite, il dut revenir au Rio-Negro et tenter inutilement le passage des Andes en remontant la vallée de ce fleuve et de son grand affluent, le Rio-Limay. Ce voyage devait en effet s’exécuter forcément dans des conditions spéciales qui le rendaient aussi pénible que dangereux. Disons même que pour tout autre il eût été