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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/912

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puis croiser lentement ses jambes, le dos appuyé au poteau. Un frère de la Miséricorde abaissa alors sur le visage du condamné le capuchon du domino, et sans un cri, sans frisson, sans combat, Baldomero passa de vie à trépas. On m’assura qu’il en était toujours ainsi dans ce genre d’exécution, d’où il faut conclure en passant que la garrotte est de tous les supplices le moins horrible.

Lorsque les Espagnols arrivèrent pour la première fois aux Philippines, les Indiens savaient déjà lire et écrire. Quel était alors leur langage? Évidemment celui qu’ils parlent encore entre eux de nos jours, d’une origine malaise, puisque beaucoup de mots actuels des dialectes tagales, bicols, ilocanos, cébuanos, etça, sont malais et identiques, quant au sens et à la prononciation, à ceux que l’on parle dans la presqu’île de Malacca. Comme exemple, on peut citer les plus usuels : arraèz (capitaine), olo (tête), mata (œil), susu (sein), dila (langue), pouti (blanc), languit (ciel), batu (pierre), et beaucoup d’autres qu’il est superflu de rappeler. Les mots servant à désigner les animaux domestiques sont d’origine étrangère, mais ceux dont on se sert pour indiquer un buffle, une chèvre, un chien, un chat, une poule et un canard sont malais ou javanais. Il n’y a que le cheval, le bœuf et la vache qui portent des noms espagnols. Presque toutes les plantes cultivées, comme le riz, la canne à sucre, le cacao et l’indigo, ont leurs synonymes en malais, de même que l’argent, le cuivre et l’étain. Le tabac, importé du Mexique par les missionnaires, s’appelle tabaco, comme en Espagne. L’alphabet se composait de dix-sept lettres ou signes assez semblables à ceux des caractères arabiques; reproduit aujourd’hui par des lettres modernes, il se divise en trois voyelles et quatorze consonnes; mais la prononciation des lettres varie selon les provinces, comme cela a lieu en Chine, ce qui rend assez difficile une connaissance générale du langage. Depuis qu’un bon nombre d’indigènes parlent et écrivent l’espagnol avec pureté, les récits de la passion du Christ et divers poèmes religieux ont pu être traduits en tagale et en visaya ou bicol, les deux dialectes les plus anciens, les sources d’où découlent tous les autres.

C’est vers l’année 1571 que don Juan de Vivero, chapelain du navire espagnol le San-Geronimo, fonda la première école à Manille. Ses meilleurs élèves reçurent, avec le titre et les fonctions de sacristain, la mission d’enseigner l’alphabet espagnol à ceux de leurs compagnons qui paraissaient désireux de parler comme les blancs. Un siècle plus tard, dans chaque village, partout où s’installait un moine chargé des mêmes fonctions que celles de nos curés fut créée une école primaire dirigée par un instituteur indigène. Comme dans beaucoup de petites localités françaises il y a trente ans, le maître d’école des Philippines n’était que le domestique de la cure