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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/930

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n’y a guère dans ce personnel que Mme Franck-Duvernoy qui sache son affaire, et celle-là joue Marion Delorme, un rôle de second plan dont elle trouve moyen de tirer parti en pailletant de sa belle voix brillante et déjà rompue aux vocalises des chansonnettes madrigalesques dignes du pays où M. Lecocq cueille sa Marjolaine. Mieux vaudrait aussi moins s’extasier à l’endroit de cette mise en scène d’un luxe banal, cossue, attifée, mais sans goût et sans art. Il se peut que le stock de soieries fût très avantageux; les costumes, taillés à grands fracas dans cette étoffe, n’habillent au demeurant que des comparses qui ne savent ni marcher, ni se tenir. Où diantre ces gentilshommes de la cour la plus raffinée ont-ils appris leur chevalerie? Vous voyez M. de Cinq-Mars accoster sa princesse le chapeau sur la tête. Point n’est besoin pourtant d’être un bien grand clerc en matière de galanterie pour se découvrir devant une femme, fût-ce en pleine forêt de Saint-Germain, et se souvenir que le vainqueur de Rocroy, un jour de pluie, descendait de son carrosse et, le chapeau à la main, faisait trois fois le tour de la place Royale en causant à la portière de Mlle de Lenclos.

Le Théâtre-Lyrique s’agite, et le hasard le mène, car franchement il n’est guère possible de découvrir une ligne de conduite dans ce qu’on nous montre et de se débrouiller au milieu de ces programmes qui vont se déroulant à perte de vue comme le catalogue de Leporello; des grands opéras, des opéras comiques et jusqu’à des opérettes, il y en a déjà dans les magasins de quoi sustenter le répertoire pendant plus de dix ans! Avec quel aplomb et quel remue-ménage on vous annonce tout cela! et l’administration supérieure, toute favorable, ajoute à la subvention un appoint généreux de 60,000 francs prélevé sur les bénéfices de l’Opéra. Peut-être, avant de se montrer si coulant dans la question des encouragemens et des récompenses, eût-il mieux valu attendre un peu les résultats. Sans doute Paul et Virginie est un très grand succès, mais de pareils coups de fortune ne prouvent rien, puisqu’ils se produisent en quelque sorte en dehors de l’économie du théâtre et par accident. M. Capoul, qui jouait Paul, et Mlle Cécile Ritter, qui joue Virginie, n’appartiennent pas au théâtre, ce sont des virtuoses de passage, des nomades engagés pour une suite de représentations et qui un beau jour disparaissent sans crue le théâtre ait autrement bénéficié de leur présence et laissent le répertoire à la merci d’une troupe qu’on ne supporterait pas en province. J’en atteste ceux qui auront entre temps assisté à l’exécution de Giralda, d’Oberon, de Martha, du Barbier de Séville.

Prenons garde de n’encourager que le succès. Au lieu de se préoccuper de l’effort sincère et militant, il semble que notre sollicitude n’ait à se porter que sur la tentative qui réussit : nous récompensons la chance qui n’en a nul besoin et se suffit à elle-même, et l’initiative courageuse nous laisse froids. Que l’Odéon passe une année à ne jouer que