Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couler avec indifférence, c’était ne faire la part ni de l’incapacité du malheureux roi, ni de son aveuglement, ni de ses préjugés, ni surtout de sa bonté. Une grande infortune, même méritée, a droit à d’autres égards, et le commissaire de la chambre des députés montrait plus d’équité quand il résumait, dans la résolution soumise au vote de l’assemblée, les griefs de la France. « Justice et non vengeance, dit-il en terminant, tel est le cri qui part de tous les cœurs. Votre commission vous propose d’adopter la résolution suivante : La chambre des députés accuse de trahison MM. de Polignac, de Peyronnet, de Chantelauze, de Guernon-Ranville, d’Haussez, Capelle et de Montbel, ex-ministres, signataires des ordonnances du 25 juillet, pour avoir abusé de leur pouvoir afin de fausser les élections et de priver les citoyens du libre exercice de leurs droits civiques; pour avoir changé violemment et arbitrairement les institutions du royaume; pour s’être rendus coupables d’un complot attentatoire à la sûreté extérieure de l’état; pour avoir excité la guerre civile, en armant ou poussant les citoyens à s’armer les uns contre les autres, et porté la dévastation et le massacre dans la capitale et dans plusieurs autres communes, crimes prévus par l’article 56 de la charte de 1814, et par les articles 91, 109, 110, 123 et 125 du code pénal. En conséquence, la chambre des députés traduit MM. de Polignac, de Peyronnet, de Chantelauze, de Guernon-Ranville, d’Haussez, Capelle et de Montbel devant la chambre des pairs. Trois commissaires pris dans le sein de la chambre des députés seront nommés par elle au scrutin secret et à la majorité absolue des suffrages pour, en son nom, faire toutes les réquisitions nécessaires, suivre, soutenir et mettre à fin l’accusation devant la chambre des pairs, à qui la présente résolution et toutes les pièces de la procédure seront immédiatement adressées. »

Le 27 septembre, la chambre des députés fut appelée à délibérer sur cette proposition. Avant l’ouverture des débats, M. de Martignac s’exprima en ces termes : «Au mois d’août 1829, M. de Polignac est venu renverser le ministère dont je faisais partie. Séparé de lui par un dissentiment politique, blessé du langage des écrivains qui paraissaient être l’organe de ses opinions, je n’ai eu depuis cette époque aucune espèce de rapport ou de communication avec lui. Au moment où il va être frappé par une accusation capitale, M. de Polignac s’est ressouvenu de moi; il a eu la pensée de m’appeler à le défendre. Hier, il a fait réclamer mes conseils et mon secours auprès de la chambre devant laquelle il va peut-être être envoyé. J’ai été, messieurs, ému autant que surpris du témoignage d’une confiance à laquelle je ne m’attendais pas. Toutefois je ne peux voir que le danger et les larmes. J’ai consulté mon cœur, et j’ai reconnu que le refus ne m’était pas permis; j’ai donc promis de