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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/108

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élévation. Les uns, soutenus par les républicains, dont cette élévation avait trompé les espérances, reprochaient au gouvernement sa lenteur à remplir les engagemens de juillet, résumés dans le programme de l’Hôtel de Ville. Ils voulaient qu’on eût plus de confiance dans le peuple, qu’on associât étroitement l’armée à la révolution et qu’on favorisât par tous les moyens, par des élections immédiates, par des lois, la propagande de l’esprit nouveau. Les autres au contraire, convaincus que l’ardeur des innovations offrait autant de périls que le respect des traditions offrait d’avantages, n’aspiraient qu’à continuer, sous la loi d’une charte révisée, appropriée aux besoins du moment, sous l’égide d’un prince libéral et éclairé, la monarchie constitutionnelle, en l’améliorant peu à peu. Ces deux tendances contradictoires éclataient partout : dans les conseils du roi, dans les chambres, dans le ministère, avec la courtoisie que les hommes bien élevés se doivent entre eux, mais avec un entêtement qui ne voulait rien céder des exigences de chacun ; dans la presse, avec une passion acerbe et surexcitée sans cesse par les mille incidens de la vie publique; dans la rue, avec les violences déclamatoires dont la misère des classes laborieuses était le prétexte. A côté des ambitions déçues et des cupidités désappointées qui se cachaient dans les revendications des uns, existaient des opinions sincères autant qu’ardentes; beaucoup d’orgueil, une confiance exagérée en soi, inspiraient la résistance des autres, mais aussi la conviction que la sécurité n’est pas moins précieuse à une nation que la liberté. En un mot, il y avait d’une part la politique du laisser-aller, qui s’attachait à favoriser cette tendance à faire table rase des anciennes institutions, que représentaient M. Dupont de l’Eure dans le conseil, M. de Lafayette à la tête de la garde nationale, M. Odilon Barrot à la chambre; d’autre part, la politique libérale et autoritaire, qui comptait parmi ses partisans, séparés entre eux tout au plus par des nuances, des hommes tels que MM. Guizot, le duc de Broglie, Molé, Casimir Perier, Dupin, d’autres encore à qui la révolution de 1830 s’était imposée comme une nécessité sans qu’ils l’eussent souhaitée, mais qui, l’ayant fait tourner au profit du régime constitutionnel et d’une dynastie nouvelle, entendaient la défendre contre les fauteurs de désordre et les propagateurs d’anarchie. Entre ces deux partis, composés, l’un de révolutionnaires ou de dupes, l’autre d’hommes avisés et politiques, le choix du roi était fait. Louis-Philippe pensait comme le second et luttait, autant qu’il le pouvait, contre le premier. Chaque jour, et plus l’opposition démocratique s’affirmait, plus elle trouvait en lui un adversaire prudent, mais résolu. Le dissentiment que nous signalons et qui rencontrait dans les rues, dont il troublait le repos, des échos bruyans et fiévreux, s’accrut au moment où commença à s’instruire le procès