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REVUE. — CHRONIQUE.

de l’Occident. L’Italie n’a aucun traité particulier avec la Russie, comme on s’est plu à le dire ; elle n’a de traité de ce genre avec personne. Comme l’Angleterre, elle ne reconnaît dans ces questions d’autre loi internationale, d’autre transaction supérieure que ce traité de Paris, par lequel elle a fait, sous le nom du Piémont, son entrée dans la vie diplomatique de l’Europe, dans le concert des puissances. M. Melegari n’a point hésité à représenter encore aujourd’hui le traité de Paris comme une garantie contre les dangers que la disparition de la Turquie pourrait créer pour l’Europe. Et ce que M. Depretis a cru devoir ajouter, c’est que « l’Italie a réglé honorablement ses rapports avec toutes les puissances, plus spécialement avec celles qui sont ses voisines, et dont elle considère la prospérité comme sa prospérité, comme la condition principale de sa sécurité. » Ainsi la situation de l’Italie est nette au début de cette phase nouvelle des affaires d’Orient.

Quant à l’Allemagne, quel sera son rôle ? Quelle est sa vraie pensée ? M. de Bismarck a dit plus d’une fois que tout ce qui se passait en Orient ne valait pas qu’on risquât les jambes d’un grenadier poméranien. En réalité l’Allemagne, comme toutes les autres puissances, a des intérêts divers à concilier. Elle a les yeux tournés vers l’Orient et encore plus vers l’Occident. Certainement elle a des liaisons intimes avec la Russie, elle ne pourrait cependant rester indifférente à des événemens de guerre qui modifieraient les souverainetés dans le bassin du Danube. Elle peut retenir l’Autriche, si l’Autriche était trop disposée à prendre un rôle actif ; elle est obligée de voir dans la monarchie austro-hongroise une sorte de rempart de l’intérêt allemand du côté de l’Orient. Au fond, il n’est point impossible que la politique de Berlin ne consiste tout simplement aujourd’hui à rendre au tsar le service que la Russie a rendu à l’Allemagne en 1870 ; c’est un système de garantie. Quel lien y aurait-il réellement entre cette politique et les discours un peu imprévus que M. de Moltke vient de prononcer dans le parlement de Berlin à propos d’une augmentation de cadres dans l’armée allemande ? C’est ce qu’il serait difficile de saisir. M. de Moltke ne parle pas souvent, et quand il parle, ce n’est pas sans motif. Les deux discours du feld-maréchal, — et le second n’est qu’une atténuation ou un commentaire du premier, — contiennent deux faits. Le chef d’état-major de l’armée prussienne prend prétexte de l’importance présumée des corps français entre Paris et la frontière pour laisser entrevoir, comme mesure de compensation, une augmentation des forces allemandes dans l’Alsace-Lorraine, et son dernier mot dans son second discours est pour réserver la liberté d’action de l’Allemagne. Tout le monde réserve sa liberté d’action, cela va sans dire, et les déclarations de ce genre ne peuvent avoir aucune signification extraordinaire. Quant à l’importance des forces françaises dans une partie de notre territoire, évidemment les paroles de M. de