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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/299

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même n’apparaît l’effort pour échapper aux formes consacrées. La construction en bois s’y prête mal sans doute, mais pourquoi s’astreindre à n’employer que cette matière ? La pierre ne manque pas au Japon ; les soubassemens des temples en sont faits, ainsi que les dallages des avenues qui y conduisent. Un peuple créateur n’eût pas manqué d’en essayer l’effet architectonique. Les Grecs, eux aussi, eurent probablement pour premiers édifices des temples de bois ; mais avec quelle souplesse merveilleuse ils surent transformer en motifs d’architecture les données de la charpente, et, sans violer les règles hiératiques, émanciper le génie de l’artiste !

Tous les sanctuaires que l’on rencontre au Japon se rangent autour de deux types, le mya du culte shinto, le téra du bouddhisme. Le mya est en bois brut monochrome, de petites dimensions ; la toiture, aux surfaces bombées, est faite de petites planchettes de sapin superposées jusqu’à concurrence d’un demi-pied d’épaisseur, et ses deux versans penchés l’un en avant, l’autre en arrière du temple, laissent vide sur chaque côté un tympan garni de planches découpées. Le faîte supporte des pièces de bois rondes placées transversalement. Le téra est polychrome, vaste, couvert en tuiles arrondies et savamment imbriquées, qui forment des cannelures du haut en bas du toit. Sauf la ligne de faîte, toutes les surfaces sont courbes, et leurs intersections, garnies de tuiles plus larges, se terminent par des ornemens en terre cuite trilobés que surmontent des cornes de faïence menaçant le ciel. C’est à ces cornes que les Chinois suspendent des sonnettes qu’on ne voit pas au Japon. Sur chacun des côtés, dans l’angle des deux pentes principales, est ménagé un petit fronton d’où part, en décrivant une courbe élégante, un versant latéral, en sorte que, pour le spectateur placé en bas, une couverture à quatre brisis abrite le péridrome. La saillie, égale sur toutes les faces, est d’environ 1m, 50. Sauf ces différences, l’économie des lignes est la même dans les deux genres de sanctuaires. Nous nous attacherons particulièrement à ceux du bouddhisme, qui ont été bâtis dans tout le pays avec beaucoup plus de luxe et de magnificence que les asiles oubliés du shinto.

Comme le temple grec, le temple japonais est construit pour être vu de l’extérieur : le fidèle reste à l’entrée pour faire ses dévotions ; la toiture se prolonge même au devant de la porte centrale en une sorte de marquise supportée par des colonnes pour abriter ce passant qui appelle le dieu d’un coup de gong, le salue, frappe dans ses mains pour le congédier et s’en va. À l’intérieur, tout est noyé dans une demi-obscurité. L’énorme toiture, qui déborde à l’extérieur sur le monument, l’écrase et en dissimule les détails. Elle est supportée tantôt par des poteaux carrés, tantôt par des colonnes rondes, munies à leur pied d’un simple tore garni de métal et