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maintenir la sécurité publique, assurer au tribunal suprême la liberté de ses délibérations et protéger la vie des accusés.


III.

Les troubles qui venaient d’éclater avec tant de force dans la journée du 20 décembre étaient la conséquence de la sourde agitation qui régnait depuis cinq mois dans Paris. Ils étaient aussi l’œuvre des associations populaires et des sociétés secrètes qui cherchaient l’occasion de briser le trône élevé soudain, contrairement à leurs vœux, à l’issue des journées de juillet. Quoique prévus et attendus par un pouvoir qui connaissait sa force et ses droits et qui s’apprêtait à tenir tête à toute insurrection, ils tiraient leur gravité de la complicité tacite, mais réelle, d’une partie de la garde nationale, chargée de les réprimer, et surtout des complaisances inconscientes du général de Lafayette et de M. Odilon Barrot, que leur entourage, composé de mécontens, poussait à profiter de ces instans pour faire des conditions et réclamer des garanties.

Dès la veille, en présence des symptômes inquiétans pour la sécurité publique, le général Lafayette adressait aux gardes nationales du royaume une proclamation empreinte de cet esprit de naïve générosité qui lui était propre, mais qui dans ces circonstances ne pouvait être efficace, et qui semblait plutôt la manifestation d’une grande faiblesse et d’une vive inquiétude que celle d’une énergique résolution. « Le général en chef, disait-il, à l’entrée de cette semaine où la gloire de la grande semaine paraît menacée d’être ternie par des désordres et des violences, croit devoir rappeler à ses concitoyens les principes et l’expérience de toute sa vie. Il s’adresse aux citoyens égarés qui croiraient servir la justice en menaçant des juges et en cherchant à se faire justice de leurs propres mains. Il aime sa popularité beaucoup plus que sa vie; mais il sacrifierait l’une et l’autre plutôt que de manquer à un devoir ou de souffrir un crime. » M. Odilon Barrot, préfet de la Seine, M. Treilhard, préfet de police, tenaient un langage analogue, donnant à entendre l’un et l’autre à ce peuple qu’ils conjuraient de contenir ses colères qu’elles étaient légitimes. M. Odilon Barrot ajoutait, il est vrai, « que le premier acte d’agression violente serait considéré et puni comme crime; » mais cette menace, perdue dans une phraséologie nuageuse, ne modifiait guère le caractère général de ces proclamations. S’attachant à flatter les passions qu’on voulait combattre, elles furent accueillies avec des railleries par les meneurs de l’émeute, avec effroi par les hommes modérés, que ces accens, où la force et la résolution du pouvoir n’étaient pas suffisamment affirmées, alarmaient au lieu de les rassurer. Elles n’empêchèrent