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Peyronnet, Jean-Claude-Balthazar-Victor de Chantelauze et Martial-Louis-Annibal-Perpétue-Magloire de Guernon-Ranville, coupables de haute trahison; à défaut d’une loi déterminant la peine, y suppléait par l’application des articles 7, 17, 48, 28 et 29 du code pénal, et l’article 25 du code civil, les condamnait à la prison perpétuelle et prononçait, avec la déchéance de leurs titres, grades et ordres, la mort civile pour M. de Polignac, l’interdiction légale pour ses coaccusés[1].

Le lendemain matin dès l’aube, M. Cauchy, greffier de la cour des pairs, se transportait à Vincennes afin de donner lecture de ce jugement aux condamnés. C’est dans la chambre de M. de Polignac, lequel était encore couché, qu’ils eurent connaissance de la condamnation prononcée contre, eux. L’ancien président du conseil ne s’attendait pas à un arrêt aussi sévère et ne put se défendre d’une vive émotion à l’énoncé de la peine de la mort civile qui n’était appliquée qu’à lui. M. de Peyronnet au contraire s’attendait à une condamnation capitale et ne dissimula qu’imparfaitement un mouvement de satisfaction. Quant à M. de Chantelauze, il se retourna vers M. de Guernon-Ranville et lui dit avec simplicité: — Eh bien, mon cher, nous aurons le temps de faire des parties d’échecs.

Dans Paris, la nuit s’était écoulée assez calme, troublée seulement par la marche des patrouilles ou les rumeurs des troupes campées autour de grands feux sur les quais et dans les rues entre le Luxembourg et le Pont-Neuf. Les attroupemens qui avaient menacé gravement la sécurité publique s’étaient dispersés vers minuit sans se montrer irrités du transfèrement des ministres et de leur condamnation, bien qu’elle semblât trop clémente à la plupart de ceux qui l’attendaient depuis la veille; mais au matin, ces dispositions pacifiques se modifièrent. On put même craindre que les proclamations du général de Lafayette et de M. Odilon Barrot apposées dès le matin sur les murs de la capitale afin de remercier la garde nationale et la ligne de leur attitude de la veille et de rassurer la population ne fussent impuissantes à contenir des passions que surexcitaient sans relâche les propagateurs de désordre. Les rassemblemens de la rue devinrent bientôt si tumultueux que le rappel fut battu. La garde nationale reprit les armes et demeura en permanence sur les points menacés au Luxembourg, aux Tuileries et au Louvre. Comme au 18 octobre, le gouvernement redoutait une marche sur Vincennes. Des rumeurs sinistres circulaient. On disait que la troupe se laissait désarmer, que l’artillerie de la garde nationale avait livré ses

  1. Ils étaient condamnés en outre personnellement et solidairement aux frais du procès, qui furent liquidés à la somme de 921 francs 15 centimes. Le 11 avril 1831, la cour des pairs prononça les mêmes peines contre les ministres fugitifs, le baron d’Hausîez, le baron Capelle et le comte de Montbel.