Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses substituts, les employés de la préfecture de police, les juges d’instruction (pris dans les ateliers de menuiserie, comme Genton, sur les bancs du collège, comme Du Barral), les commissaires de police et les officiers de paix ne demeuraient pas en reste pour ces œuvres de prévarication. En outre, chaque arrondissement avait un comité administratif, divisé en comités de surveillance qui nommaient des délégués : délégués, comité de surveillance, comité administratif, libellaient sans scrupule des ordres d’incarcération. Ce n’est pas tout : la division de Paris en secteurs subsistait ; les chefs élus de la garde nationale en étaient les maîtres peu contestés ; non-seulement ils faisaient emprisonner dans la maison disciplinaire attribuée à chaque secteur, mais ils faisaient diriger les gens arrêtés sur telle prison qu’il leur plaisait de désigner. Quelques-uns de ces chefs de légion furent de véritables tyrans auxquels il n’était pas prudent de résister ; Sérizier a littéralement terrifié, pendant la durée de la commune, le territoire parisien qui correspondait à la base du IXe secteur ; il dominait de la sorte sur la prison de la Santé, et ce n’est certes pas sa faute si les otages n’y ont pas été fusillés.

La brutalité des ordres est inexprimable, et l’on se demande parfois, en les lisant, si les hommes qui les ont donnés jouissaient de l’intégrité de leur faculté mentale. Un certain Charles Riel, chef du bureau des passeports de la préfecture de police, rend, le 17 avril, un arrêté qui est un spécimen exact des aberrations de cette époque : « Nous, délégué civil, agissant en vertu des pouvoirs qui nous sont confiés ; attendu que la loi défend de sortir de Paris à tout individu de dix-neuf à quarante ans… Ordonnons : tous les chefs de postes devront mettre à la disposition de nos sous-délégués toutes les forces disponibles des postes, sur un simple avis des sous-délégués… Tout individu qui voudra résister sera au besoin passé par les armes, séance tenante[1]. » Si l’on était sévère, — on vient de voir à quel excès, — pour les honnêtes gens qui fuyaient avec horreur devant la nécessité de servir la commune, on était d’une indulgence maternelle pour les malfaiteurs. — Jean-Marie Ollivier est condamné, par jugement correctionnel du 8 janvier 1871, à six mois de prison pour vol et outrage aux agens de la force publique ; l’avènement de la commune le trouve à la prison de Sainte-Pélagie, il en sort d’après l’ordre textuel que voici : Ordre de lever l’écroue du nomme le Ollivier Jean Marie condane pour avoir voile du bois de chauffage sur les boulevards, chose pour moi

  1. Je dis ici une fois pour toutes que je ne cite pas une pièce dont je n’aie la minute originale sous les yeux ; mon travail est exclusivement fait sur documens holographes.