Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aussitôt tous les zèles se sont échauffés : mandemens de quelques évêques, protestations contre les lois italiennes, contre la « captivité du pape, » contre « le soldat étranger qui veille aux portes du Vatican, » et contre « les hordes savoyardes» qui sont à Rome, — démarches auprès de M. le ministre des affaires étrangères en faveur de l’indépendance pontificale menacée, pétitions organisées par les comités catholiques pour peser sur les chambres, sur le gouvernement, sur M. le président de la république lui-même, rien n’a manqué. M. L’évêque de Nevers s’est cru autorisé à adresser des circulaires à tous les fonctionnaires civils de son diocèse pour les associer à ses protestations, et comme il faut que partout le plaisant se mêle au sévère, les dames pieuses de France ont été elles-mêmes appelées à manifester! Nos dames françaises sont au courant de tout; elles savent que la loi sur les abus du clergé qui avait été présentée par le garde des sceaux italien, M. Mancini, — et qui vient d’ailleurs d’être rejetée par le sénat de Rome, — était un attentat, qu’elle supprimait « la liberté de communication du souverain pontife avec les catholiques, » qu’elle était de plus « contraire aux engagemens pris par l’Italie envers le monde catholique,... » et en conséquence elles protestaient! La protestation a couru, dit-on, jusque dans des écoles. Et ce qu’il y a de plus étrange, c’est que les promoteurs, les défenseurs de ces pétitions, de ces démarches, de ces manifestations semblent ne pas se douter, même encore aujourd’hui, de la gravité de ce qu’ils faisaient. C’était, à ce qu’il paraît, tout simple de signaler l’Italie comme la geôlière de la papauté, malgré la loi des garanties que M. le président du conseil a pris la peine de lire l’autre jour à la chambre des députés, — de protester contre des lois discutées par le parlement italien, et qui ne touchent nullement du reste aux communications du souverain pontife avec l’univers catholique ! Quand on s’est efforcé de montrer aux manifestans que ce qu’ils demandaient était un acte d’hostilité contre une nation dont la France est et entend rester l’alliée, ils se sont écriés qu’ils ne voulaient pas la guerre avec l’Italie; mais alors que voulaient-ils donc? ou ils ne comprenaient pas réellement la portée de l’acte auquel ils s’associaient sans réflexion, ou bien par passion de parti, pour un intérêt d’église, ils bravaient le péril de troubler, dans un moment comme celui-ci, les relations de la France, d’affaiblir la situation de notre pays dans le monde.

Oui, sans doute, ces manifestations persistantes devaient être arrêtées ou découragées, elles devaient, pour le bien de la paix civile et religieuse, être réduites à leur véritable valeur, et l’interpellation dont les présidens des gauches, M. Leblond, M. de Marcère et M. Laussedat, ont pris l’initiative, que M. Leblond a développée, cette interpellation n’avait rien que de simple. C’était une occasion de dissiper les fantômes, de rétablir la vérité, d’opposer une expression officielle, décisive de la politique française à une agitation que l’esprit de parti et les défiances