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Roumanie est une création européenne, elle est sous une certaine juridiction de l’Europe. La diplomatie a bien quelques droits sur la question. Ce n’est point sans doute qu’il ait dû y avoir, comme on s’est hâté de le dire, des observations, moins encore des protestations au sujet d’un fait qui était à peu près inévitable, devant lequel on est d’autant plus désarmé qu’on ne pouvait songer à l’empêcher, qu’il aurait fallu d’abord garantir cette neutralité roumaine. Ce n’est pas moins le premier indice des complications de toute sorte qui peuvent s’élever à chaque pas, qui tiennent désormais et plus que jamais toutes les préoccupations en éveil. Ces préoccupations, elles viennent d’éclater, dans toutes ces discussions récentes des parlemens de tous les pays, où se dessine l’attitude expectante et inquiète des diverses politiques.

De toutes les nations, la France était heureusement celle qui pouvait, avec le plus de facilité, prendre aussitôt sa vraie situation. Dès le premier jour de la session, M. le ministre des affaires étrangères s’est empressé de porter devant les chambres une déclaration résumant la politique française en deux mots : « La neutralité la plus absolue, garantie par l’abstention la plus scrupuleuse. » La neutralité ne peut coûter à la France, elle est la règle en même temps naturelle et réfléchie de sa conduite, elle n’est que la conséquence de la ligne qu’elle a suivie dans toutes les phases de cette crise, évitant de se désintéresser d’une si grande question, évitant aussi de se lier, et, arrivant au bout, libre d’engagemens, maîtresse de sa politique. M. le duc Decazes ne pouvait, sans péril, dévier de cette sage pensée dans ces longues négociations, qui ont eu un si fâcheux dénoûment, et dont tous les recueils de documens diplomatiques français, anglais ou italiens racontent l’histoire. Ce qu’on peut désirer, c’est que la France ne cesse de garder cette impartialité que sa situation lui impose et qui peut lui donner, en certaines circonstances, une autorité nouvelle. Elle n’a point pour sa part à prendre une initiative au moment voulu ; elle sera naturellement avec ceux qui s’efforceront de rétablir la paix du monde, et dès aujourd’hui elle est certainement au premier rang de ceux qui ont le désir de voir la lutte se restreindre, se circonscrire dans des limites que la Russie elle-même ne peut vouloir franchir, qu’elle ne franchirait qu’en courant le risque de se mettre en conflit avec une partie de l’Europe. L’Autriche, plus engagée par tous ses intérêts en Orient, l’Autriche, elle aussi, vient de définir sa politique dans le parlement de Vienne. L’Autriche, comme les autres, reste neutre en réservant une liberté d’action dont elle ne songerait à user que si les événemens se rapprochaient trop de ses frontières. L’Italie avait déjà proclamé sa neutralité.

S’il y a un pays dont les résolutions dussent avoir aujourd’hui de l’importance, c’est l’Angleterre, l’Angleterre, qui plus que toute autre puissance