Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le bûcheron, solitaire dans la forêt profonde, compose des chansons toutes poétiques, pleines d’apparitions idéales et fleuries où le gazouillement des oiseaux se mêle à chaque instant, comme un refrain, aux rêves scandés par le bruit de la cognée :

Il y avait trois petits fendeux,
Fendeux dessus l’herbette
(J’entends le rossignolet);
Il y avait trois petits fendeux
Causant de leurs amourettes.


Le métiveur (le moissonneur), sous le soleil de juillet qui lui tombe d’aplomb sur les reins, a des rêves plus hardis et comme chauffés par la grande lumière de midi. Dans ses chansons, il voit passer des princesses parées de diamans, a portant coiffures de dentelles et souliers de satin blanc. »

Voici la Sainte-Madeleine
Où l’on coupe dans les champs;
Tous les garçons sont en plaine
Depuis le soleil levant.

Moi, j’ai bien pris ma faucille
Toute en or et en argent
Pour m’encourir au plus vite
A mon sillon de froment.

Mais tout en liant ma gerbe
J’ai cueilli trois boutons blancs,
Les rassemble feuille à feuille,
Les accroche à mon ruban.


Ce sillon de froment est fréquenté comme un grand chemin, il y foisonne des aventures. Par là passent trois belles filles : une princesse, une fille de président et une troisième « sans fard et sans ajustement, mais belle comme la rose qui fleurit au rosier blanc. » Le moissonneur refuse son bouquet aux deux premières ;

Mais quand passe la troisième,
Elle rougit en me voyant.
Je me suis approché d’elle :
— Prenez mon bouquet des champs.


C’est celle-là qu’il veut aimer, c’est avec elle « qu’à la Toussaint prochaine » il veut dormir dans un lit « couvert de roses blanches: »

La petite alouette grise
Y chantera dans son doux chant :
Vivent les constantes filles,
Vivent les garçons constans!