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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/64

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Dessus sa bouche vermeille
J’ai pris un baiser
Sans trop la réveiller.

Comme la belle sommeille,
Je fais un tour au jardin,
Cueille une rose pour la belle
Et la lui mets sur son blanc soin.
La fraîcheur de cette rose
La réveilla bien,
C’était bien mon dessein.


Quand ils font le portrait de leur mie, ils la peignent en deux traits, mais si joliment et d’une touche si exquise que c’est un tableau achevé :

Elle est vêtue en satin blanc.
Et dans ses mains blanches mitaines;
Ses cheveux qui flottent au vent
Ont une odeur de marjolaine.


D’ordinaire dans ces oaristys campagnardes le rôle du garçon est plus tendre que celui de l’amoureuse. Celle-ci, plus rusée, garde mieux son sang-froid. Parfois même elle joue si bien l’indifférence, que le galant s’en va désespéré :

Les filles n’aiment point
Ceux-là qui les aiment,
Pour moi, je le sais bien,
Car la mienne est de même.
Ho! oh!
Que les amans ont de peine,
Ho! ho! que les amans
Ont de peine en aimant.


A son tour, il essaie de prendre l’air d’un homme qui s’est consolé ailleurs, il cherche à exciter la jalousie de la cruelle en vantant la beauté d’une fille qui l’aurait épousé, s’il avait voulu :

Elle est bien aussi droite
Que le jonc dans les prés.
Et bien aussi vermeille
Que la rose en été;


mais sa douleur perce à travers ses vanteries, et après chaque couplet le refrain éclate comme un sanglot :

Vous m’avez tant aimé,
Vous m’avez délaissé!

D’autres fois l’amant est moins endurant, moins respectueux, et la fille a fort à faire pour se défendre. L’aventure tourne même au tragique, comme dans la chanson lorraine de la Fille du pâtissier.