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se trouvant à Florence au moment d’une révolution, on fit appel à ses bons services et qu’il répondit : « Je ne demande pas mieux que de vous aider, pourvu que ce soit à cheval. » Comme Azeglio, M. de Bismarck a toujours le pied à l’étrier, il est toujours prêt à monter sur ses grands chevaux, il n’en a pas de petits.

Comment finira la lutte à outrance engagée entre l’empire germanique et le Vatican, personne ne le sait ; mais il n’est pas besoin d’être un prophète pour pressentir les dangers qu’amasserait sur sa tête l’imprudent qui s’aviserait de prendre parti dans cette querelle. M. de Bismarck se plaint d’avoir affaire à un ennemi insaisissable, sur lequel il n’a pas de prise. Le jour où le Vatican aurait conclu un traité avec une des puissances catholiques, qui lui fournirait un général et des soldats, M. de Bismarck saurait à qui s’en prendre ; il crierait joyeusement à l’Allemagne : La bête est lancée ! et il sonnerait l’hallali. Le malheur est que la curie romaine ne se contente pas de remplir le monde de ses protestations ; elle cherche autour d’elle un champion qui épouse son malheur, en lui sacrifiant généreusement ses intérêts et sa sûreté, elle cherche une épée dévouée et soumise, à laquelle elle donnera sa bénédiction et qui en retour s’engagera à ne rentrer dans le fourreau qu’après avoir combattu jusqu’au bout le saint combat et avoir remis le saint-père en possession de son trône. Peut-être se flatte-t-on au Vatican que cette épée sera celle de la France. Le Vatican s’abuse ; la France a pu commettre de grandes fautes, mais elle n’a pas encore montré qu’elle eût le goût du suicide.

Ce qui vient de se passer confirmera peut-être dans leurs illusions les têtes exaltées de la curie romaine ; elles oublient la France de 89 pour ne plus songer qu’à la fille aînée de l’église, et elles s’imaginent que la république septénaire leur appartient corps et âme, qu’elles en peuvent disposer comme de leur bien. Une parole tombée des lèvres du saint-père a décidé du sort d’un cabinet. Saint Pierre n’eut qu’à dire un mot à Ananias, Ananias tomba à la renverse et rendit l’esprit ; quelques jeunes gens le prirent, l’emportèrent et l’ensevelirent, ce qui inspira une grande crainte à tous ceux qui furent témoins de ce miracle. Il a suffi au pape Pie IX de se plaindre en présence de quelques pèlerins que M. Jules Simon lui avait donné un démenti, et M. Jules Simon est tombé ; on l’a pris, on l’a emporté, on l’a enseveli. M. Jules Simon a été complice de sa mauvaise destinée, il a péri par où il avait péché. En plus d’une rencontre, il avait coqueté avec l’église, il s’était plu à lui prodiguer les témoignages d’admiration et de dévoûment ; les coquetteries mènent plus loin qu’on ne pense, l’église les considère comme des engagemens. Une légende du moyen âge raconte qu’un jeune chevalier jouait un jour à la paume dans une villa près de Rome. Comme son anneau le gênait, il l’ôta et fit la mauvaise plaisanterie de le passer au doigt d’une statue, qui représentait je ne sais quelle sainte ; puis il se