Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/710

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mai 1877.

C’est donc une fatalité ! La France est donc condamnée à vivre dans de continuelles et brusques oscillations, allant d’une crise à une autre crise, d’un pôle à l’autre pôle de la politique, sans pouvoir se fixer un instant ! vainement sa situation, ses malheurs, les intérêts de son avenir, l’état du monde, lui font du repos, du recueillement attentif une nécessité : elle est rejetée violemment et à l’improviste dans le tourbillon. L’autre jour, au moment où l’on ne s’y attendait guère, la bourrasque a soufflé, et en quelques heures, du soir au matin, avant même que le parlement, Paris, la province, aient pu savoir réellement de quoi il s’agissait, tout a changé encore une fois dans nos affaires, le nouveau coup de théâtre s’est trouvé accompli. Un ministère a été emporté ; à la politique de transaction suivie depuis un an a succédé une politique de résistance et de lutte ; les chambres, à peine réunies, ont été ajournées au milieu d’une émotion universelle, et depuis quinze jours on est à s’interroger sur l’origine et les péripéties intimes, sur la signification et les conséquences de ce qui gardera désormais dans l’histoire de nos tristes agitations intérieures le nom de l’acte du 16 mai.

Tout en vérité a été conduit assez militairement dans cet imbroglio, qui, sans être absolument inexplicable, n’est pas le moins étrange de tous ceux que nous avons vus se succéder depuis quelques années. C’est le 16 au matin que M. Jules Simon, président du conseil et ministre de l’intérieur, recevait de M. le maréchal de Mac-Mahon une de ces lettres qui ne laissent pas à un chef de cabinet le choix d’une décision, et ici, dès ce point de départ, une première question pourrait s’élever. Comment cette lettre par laquelle M. le président de la république reprochait sans ménagement à M. Jules Simon son attitude devant la chambre des députés, sa faiblesse dans des discussions récentes sur l’abrogation de la loi de la presse, sur la loi municipale, comment cette lettre impatiente, presque emportée, s’est-elle trouvée aussitôt livrée à une