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touchant poème d’Enoch Arden, et elle mérite d’être citée tout au long:

Quand le marin revient de guerre,
Tout doux...
Tout mal chaussé, tout mal vêtu :
— Pauvre marin, d’où reviens-tu?
Tout doux !

— Madame, je reviens de guerre.
Tout doux...
— Qu’on m’apporte ici du vin blanc,
Que le marin boive en passant,
Tout doux!

Brave marin se mit à boire,
Tout doux...
Se mit à boire et à chanter.
Et la belle hôtesse a pleuré,
Tout doux !

— Ah ! qu’avez-vous, la belle hôtesse?
Tout doux...
Regrettez-vous votre vin blanc
Que le marin boit en passant?
Tout doux !

— C’est point mon vin que je regrette.
Tout doux...
C’est la perte de mon mari,
Monsieur, vous ressemblez à lui...
Tout doux !

— Ah! dites-moi, la belle hôtesse.
Tout doux...
Vous aviez de lui trois enfans.
Vous en avez six à présent.
Tout doux !

— On m’a écrit de ses nouvelles,
Tout doux...
Qu’il était mort et enterré.
Et je me suis remariée.
Tout doux !

Brave marin vida son verre.
Tout doux...
Sans remercier, tout en pleurant,
S’en retourna au régiment,
Tout doux!


C’est presque le même dénoûment qu’Enoch Arden, et dans la brève simplicité de cette chanson, il y a un sentiment de résignation et de sacrifice qui serre le cœur et fait monter les larmes aux yeux.