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génie. Nous noterons seulement qu’un grand nombre des régimens d’infanterie sont encore divisés en trois bataillons de cinq compagnies chacun, et qu’à ce système on doit partout substituer celui de quatre bataillons à quatre compagnies. Pour l’armement comme pour tout le reste, l’armée russe est encore dans une phase de transition. Le ministère a adopté pour l’infanterie le fusil Berdan ; mais en attendant que les manufactures de l’état aient pu fournir un nombre suffisant de ces armes perfectionnées, une grande partie des fantassins en sont encore au fusil Krink, qui n’est qu’une sorte de fusil à tabatière. L’artillerie a été pourvue de pièces se chargeant par la culasse, et pour la plupart en bronze. Le nombre des canons fondus dans les dernières années est considérable. Grâce aux efforts récens, l’artillerie à pied et à cheval est nombreuse et excellente ; de l’avis des hommes du métier, elle peut soutenir la comparaison avec les meilleures de l’Europe.

La véritable supériorité de l’armée russe est cependant dans sa cavalerie, qui, pour le nombre comme pour la qualité, n’a peut-être point d’égale. Cette arme est soumise à un commandement supérieur spécial, appelé inspection générale de la cavalerie et dernièrement aux mains du grand-duc Nicolas. Pour se mieux prêter à toutes les opérations de la guerre, les divisions de cavalerie russe sont d’ordinaire formées d’un régiment de dragons, d’un régiment de uhlans, d’un de hussards, et d’un de Cosaques ; chaque division a son artillerie. La cavalerie légère a dans l’armée régulière une grande prépondérance, accrue en temps de guerre par les nombreux régimens de Cosaques. Les chevaux, bien que souvent petits et ne payant pas de mine, sont d’ordinaire rapides et endurcis à la fatigue. La Russie est du reste aussi riche en chevaux qu’en hommes ; en Europe seulement, en dehors de la Pologne, de la Finlande et de quelques gouvernemens du nord, on y comptait, il y a quelques années, 15 millions de chevaux. Avec de telles réserves, la remonte ne saurait être dans l’embarras. Par un excès de précaution on a cependant là aussi adopté la conscription des chevaux qui sont soumis à un recensement périodique, et en cas de guerre peuvent être levés moyennant indemnité dans l’ordre d’un tirage au sort. D’après une lettre que je reçois des bords du Volga, il y a en ce moment des paysans qui refusent tout argent pour leurs chevaux pris par la remonte. Dans le seul district de Nijni, il se serait rencontré une dizaine de ces exemples de patriotisme[1].

Le nombre des hommes et l’armement des troupes ne sont pas les seuls élémens de la supériorité militaire ; il en est un autre

  1. Notons ici que dans l’armée rosse il n’existe pas de train spécialement organisé. Chaque corps a son train particulier ; il a été question de changer ce système, mais la réforme, si elle a été adoptée, n’a pas encore été mise à exécution.