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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/829

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l’empereur ; le duc d’Orléans et le duc de Guise étaient entrés dans les Flandres ; Charles-Quint avait menacé naguère le duc de Clèves « de le rendre le plus pauvre de la chrétienté, disant haut et clair qu’il quitterait plutôt sa couronne que de luy laisser un poulce de terre. » (Mémoires de du Bellay.) Maintenant c’était le duc de Clèves qui, croyant Charles-Quint perdu, disait « qu’il ferait ung trou ès pays de l’empereur dont on parlerait pendant cent ans. »

Les armées alliées du duc d’Orléans et du duc de Clèves vivaient mal ensemble. Les Allemands, campés entre Mézières et Reims, pillaient le pays : on leur avait fait accroire qu’ils marcheraient contre les Turcs ; le nom seul de l’empereur valait une armée, ils répugnaient à la pensée qu’il faudrait se battre contre celui qui, dès cette époque, était l’image de la patrie germanique. Les Français eurent des succès si faciles qu’ils ne gardèrent pas bien leurs conquêtes ; Antoine de Bourbon prit les places de Flandre sans trouver presque d’obstacle ; le duc d’Orléans s’empara de Luxembourg, prit Arlon, Montmédy, et ne trouva de résistance que devant Thionville. Trompé par de faux rapports qui l’informaient que Charles-Quint allait chercher François Ier dans le midi de la France, il quitta sa conquête et partit en poste pour le Roussillon pour se trouver aux côtés de son père.

De ce moment, tout alla mal dans le nord. Les mercenaires du duc de Clèves demandaient sans cesse de l’argent ; le duc lui-même ne songeait qu’à se justifier de sa révolte devant les états d’Allemagne. Charles-Quint le ménageait encore, dans l’espoir qu’Henri VIII, après le supplice de Catherine Howard, pourrait reprendre Anne de Clèves ; mais au début de l’année 1543, il se trouva plus libre, quand le roi d’Angleterre signa avec lui un traité d’alliance offensive et défensive contre la France. Granvelle annonça à la diète que l’empereur allait bientôt combattre lui-même contre les Turcs : il demandait seulement quelques semaines, avant de se mettre au service de la chrétienté, pour punir un vassal coupable. Les nombreux amis du duc de Clèves réussirent pour un temps à retenir la colère impériale : on fit une trêve qui fut mal observée, et l’armée du duc de Clèves remporta deux victoires, l’une sur le duc d’Arschott, dans le duché de Juliers, une autre sur le duc de Nassau. François Ier, entré avec 35,000 hommes dans le Hainaut, s’empara de Landrecies. Il prétendait conduire Jeanne d’Albret dans ses états de Clèves au milieu de son armée triomphante. Mais Charles-Quint était arrivé, après avoir traversé l’Italie. Le 22 août, il parut avec une armée formidable pour le temps devant Dueren, la principale place du duché de Juliers. Les Espagnols (il y en avait 10,000 dans son armée) entrèrent par la brèche dans la ville, sous le feu des compagnies hollandaises. La ville fut mise au pillage ; l’empereur