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long rapport de M. de Chantelauze, justifiant ces mesures par l’énumération des griefs qui les avaient rendues nécessaires. Dans l’état d’exaspération où se trouvait la France depuis une année, et la couronne s’étant malheureusement associée à un ministère dont elle aurait au contraire dû exiger la démission dès son premier échec, les ordonnances furent accueillies comme une provocation. A cette provocation, l’émeute répondit. Vainement des députés essayèrent de s’interposer entre elle et la troupe, commandée par le duc de Raguse. Vainement MM. Laffitte, le comte Gérard, le comte de Lobau, Casimir Perier et Mauguin firent auprès du maréchal une démarche suprême afin d’obtenir la cessation des hostilités; vainement le grand référendaire de la chambre des pairs, marquis de Sémonville, et l’un de ses collègues, le comte d’Argout, parvinrent à éclairer au dernier moment M. de Polignac d’abord, le roi ensuite ; tant d’efforts conjurés ne purent pendant trois jours arrêter l’effusion du sang : elle ne cessa que lorsque le gouvernement provisoire, installé à l’Hôtel de Ville pendant la lutte, sous la présidence du général de Lafayette, eut proclamé la déchéance de Charles X, adopté le programme d’une vaste réforme politique et confié au duc d’Orléans la lieutenance générale du royaume. Alors seulement l’émeute désarma et cessèrent ces combats des rues, pendant lesquels Charles X, retiré au château de Saint-Cloud, attendait avec une confiance trompeuse et la plus inconcevable sérénité l’heureuse issue de cette crise redoutable.

C’est le 29 juillet seulement que, cédant aux supplications du marquis de Sémonville, il s’était décidé sur l’avis de ses ministres à retirer les ordonnances et à confier à un personnage, estimé par le parti libéral, quoiqu’il tînt à la cour par son nom et ses fonctions, au duc de Mortemart, ambassadeur de France en Russie, le soin de former un ministère en y appelant des hommes tels que le comte Gérard et M. Casimir Perier. Le marquis de Sémonville et le comte d’Argout étaient repartis immédiatement pour Paris, afin d’y faire connaître les concessions du roi, suivis de près par le duc de Mortemart. M. de Polignac et ses collègues étaient devenus libres de pourvoir à leur sûreté. Dans l’entourage de Charles X, et bien que le maréchal Marmont, obligé d’abandonner les Tuileries, eût ramené à Saint-Cloud ce qui restait de l’armée royale en déroute et qu’en conséquence l’insurrection fût maîtresse de Paris, on se trompait encore à ce point sur la gravité des événemens que la nomination du duc de Mortemart fut considérée comme la fin de la crise. Le roi lui-même annonça à la duchesse de Berry que, sous vingt-quatre heures, elle pourrait rentrer à Paris, ce qui arracha ce cri à l’ardente et fière princesse: — Moi ! que j’aille montrer aux Parisiens ma face humiliée! non, jamais! — Mais, hors de Saint-Cloud,