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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/896

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de l’Australie et même de la Californie. Malgré cela, on préfère travailler ce chanvre en Europe, et nous voyons dans la statistique commerciale de 1874, qu’il en a été exporté pour plus de 23 millions de francs. Les cordages, qui se fabriquent en dehors de l’établissement de Santa-Mesa, sont obtenus à l’aide d’appareils fort simples et semblables à ceux de nos petites corderies de France.

La fabrication des voitures de luxe et des chariots à buffle occupe dans l’archipel des milliers de bras. A Manille, où il y a des ateliers dirigés par des Américains et des Français, on vend des calèches qui peuvent rivaliser avec celles qui sortent des ateliers parisiens de Binder. Il y a peu d’Espagnols et de riches métisses sans voiture et sans chevaux. Les femmes européennes, et les créoles particulièrement, sont convaincues qu’elles n’ont pas assez de forces pour marcher pendant une demi-heure ; on ne les voit parcourir nonchalamment les rues qu’à l’époque de la semaine sainte, lorsqu’il est défendu aux véhicules de toute sorte de rouler, — à l’exception des cabriolets des médecins, et encore doivent-ils aller à pied dès qu’ils entrent dans la ville militaire, il y a vingt ans, un sous-lieutenant avait un équipage ; une paire de chevaux coûtait 100 francs, une vittoria 300 francs, et on avait un bon cocher, monté à la daumont, pour 10 francs par mois. Aujourd’hui ces prix ont quintuplé, ce qui n’empêche pas que tous les blancs aient une écurie.

Malgré le voisinage de la Chine, la porcelaine dont on se sert aux Philippines vient d’Angleterre et de France ; seuls les Chinois ne veulent user que de celle de leur pays. Comme ils ont le même dédain pour les autres produits européens, ces parasites font aussi venir de chez eux leurs chaussures, leurs vêtemens et jusqu’à leurs fausses nattes. Les Indiens fabriquent pour leur usage, mais en nombre considérable, des plats et des assiettes brunes d’une extrême rudesse et sans verni, des briques pleines et creuses très recherchées pour la construction des maisons.

La pêche est l’industrie la plus répandue, car le poisson est très abondant dans l’Océan-Pacifique, dans les lacs et aux embouchures des rivières. L’Indien se sert du filet, du carrelet, de la drague et du harpon. Cette industrie s’exerce la nuit, à la lueur de torches rougeâtres qui remplissent les baies et les fleuves de clarté et d’animation. Rien n’est plus pittoresque que la rade de Manille par une nuit obscure et orageuse : c’est à croire que chaque lame roule un fanal. Les pêcheurs s’entendent fort bien à établir des corralès ou réservoirs de poissons partout où la mer est abritée du vent et n’a pas de profondeur. Comme sur nos cotes méridionales, bientôt dépeuplées, grâce à la faiblesse et à l’indifférence de