doctrine n’avait eu recours qu’à la persuasion, ne s’était adressée qu’aux consciences. Si Mahomet eût péri sous les coups des assassins lancés contre lui, il eût fallu le ranger parmi les prophètes martyrs de leur dévoûment à la cause qu’ils croient sainte. La question de sa mission surnaturelle mise de côté, il n’y aurait que des éloges à lui adresser pour la fermeté de ses convictions, son désintéressement, sa moralité, son courage ; seulement tout porte à croire que sa religion eût péri avec lui.
A La Mecque, Mahomet était un réformateur doux, patient, résigné ; à Médine, il devient une sorte de messie au sens juif, le chef d’une théocratie belliqueuse, conquérante et oppressive, il relâche à son profit les règles limitatives de la polygamie qu’il avait lui-même édictées, il épouse la femme divorcée de son fils adoptif. Des scènes de discorde éclatent dans son sérail. Les pieux musulmans ont bien de la peine à expliquer ces faiblesses de leur prophète ; mais il ne faut pas oublier que les idées arabes en matière de mariage et de polygamie sont très différentes des nôtres, et, de plus, que la sainteté immaculée du fondateur de l’islamisme ne constitue pas un dogme musulman au même titre que celle de Bouddha ou du Christ l’est devenue dans les deux religions qui se rattachent à leurs noms respectifs. Un musulman et un juif peuvent admettre sans trop de difficultés que Mahomet et Moïse ont commis des fautes.
Mahomet, à La Mecque, enjoignait à ses disciples d’être tolérans ; à Médine, il devient intolérant. C’est depuis ce moment que l’islamisme déclare la guerre aux infidèles, en leur offrant le triple choix de la conversion, du tribut ou de la mort. A plusieurs reprises, Mahomet se montre vindicatif et cruel ; il puise de malheureuses inspirations dans les guerres de Moïse contre Madian, de Josué contre les Cananéens, de Saül et de David contre les Amalécites et les Philistins. Il ne craint pas de conniver moralement avec les meurtriers de ses ennemis les plus ardens. L’exercice du pouvoir temporel évidemment rabaisse en lui le caractère. Le politique rusé l’emporte souvent sur le rêveur idéaliste. Il faut toutefois signaler à son honneur la magnanimité qu’il déploya lors de sa rentrée victorieuse à La Mecque, où il aurait eu tant de vieilles injures à venger. Il détruisit les idoles, purifia la Kaaba, mais il n’autorisa ni pillage ni proscription. En tout cas, sa sincérité resta toujours entière ; exposé à des tentations de tout genre, il subordonna toujours ses actes, excepté pourtant ses mariages, à ce qu’il appelait sa mission divine. Les idées régnantes pouvaient certainement lui permettre, comme à plus d’un rabbin juif, de croire que la prérogative du prophète l’élevait au-dessus des lois morales imposées au