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la haute assemblée de s’associer à ses résolutions, tandis qu’au même instant le ministre de l’intérieur, M. de Fourtou, signifie à la chambre des députés la mort violente qui l’attend sous la forme de la proposition présentée au sénat. « Nous n’avons pas votre confiance, vous n’avez pas la nôtre ! » C’est le mot assez leste de M. le ministre de l’intérieur, c’est le mot de la situation nouvelle. Ainsi en quelques semaines, en quelques jours, direction, idées, langage, personnel, alliances, tout a changé dans le gouvernement, tout est déplacé. L’incompatibilité des pouvoirs est déclarée. M. le maréchal de Mac-Mahon, selon l’expression dont on s’est servi, a dit à la majorité républicaine de la chambre comme à son dernier cabinet : « C’est assez ! » Le nouveau ministère est né pour la lutte, il a commencé par la prorogation pour finir par la dissolution. Ici à la vérité le sénat, appelé à exercer la plus sérieuse de ses prérogatives constitutionnelles, aurait pu de son côté tenter une médiation utile, faire appel à une réflexion plus prévoyante ; il l’aurait pu sans manquer en aucune façon à M. le président de la république, en lui portant secours au contraire. Il a cru sans doute que le conflit était désormais d’une telle nature qu’il ne pouvait plus être tranché que par le suffrage universel, et il a voté, il a donné à la politique nouvelle ce qu’elle demandait !

Quel est cependant le sens intime de ce vote ? Quelle est la signification réelle de cette lutte que le sénat a permis de porter devant le pays ? C’est là justement ce qui s’est agité durant ces quelques jours qui ont précédé la dissolution, dans ces discussions récentes des deux assemblées où le gouvernement a trouvé sans nul doute d’habiles interprètes dans M. le duc de Broglie, M. de Fourtou, M. Paris, et où l’opposition, elle aussi, a été représentée avec autant d’autorité que d’éclat par des hommes comme M. Bérenger, M. Laboulaye, M. Jules Simon, M. Léon Renault, même M. Gambetta ; c’est la moralité de ces débats assez solennels où tout a été dit sur les origines, sur les caractères, sur les conséquences possibles de cette crise du 16 mai qui clôt une période de conflits intimes, qui est en même temps le commencement d’une situation si nouvelle et peut-être si périlleuse. Ces débats qui ont illustré la fin du premier parlement né sous la constitution de 1875 n’ont rien de vulgaire ; ils restent le commentaire d’une lutte qui est bien loin d’être finie, qui plus que jamais au contraire va se resserrer entre le gouvernement et les 363 votans de l’ordre du jour lancé comme une vengeance suprême par la majorité républicaine contre le ministère de la dissolution.

Le procès a passé en première instance devant les chambres, il a été plaidé par les uns avec excès, avec violence, par les autres avec une habile mesure et le plus sérieux esprit politique, par le gouvernement avec un art qu’on peut reconnaître, — il n’est pas définitivement jugé ;