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atteinte aux lois, à l’organisation constitutionnelle existante. M. le président de la république a tenu à répéter dans son dernier message sur la dissolution qu’il ne s’agit nullement de toucher « aux institutions qui nous régissent. » Les ministres, autant qu’on en puisse juger par les dernières discussions, veulent absolument être considérés comme les gardiens privilégiés de la république et des lois constitutionnelles. Ils ne sont au pouvoir que pour les sauver après les avoir arrachées aux mains qui les perdaient ! Comment le gouvernement l’entend-il cependant ? Où sont ses alliés, ses auxiliaires les plus passionnés et peut-être les plus efficaces ? À quel régime demande-t-il ses procédés administratifs ? De quoi se compose cette coalition prétendue conservatrice à l’aide de laquelle il a conquis la dissolution et qu’il conduit aujourd’hui ou par laquelle il est conduit au combat devant le pays ? On ne peut plus malheureusement se faire illusion. Le plus gros contingent de l’armée ministérielle, c’est le parti bonapartiste. Au 24 mai 1873, l’empire n’était encore qu’un appoint, aujourd’hui il domine ; il formait le bataillon le plus nombreux dans la chambre qui vient d’être dissoute, et dans les élections prochaines, là où les influences administratives seront assez fortes pour modifier le résultat, c’est certainement le parti bonapartiste qui est appelé à en profiter. Ainsi le gouvernement marche au secours, à la défense de la république, des institutions parlementaires avec des bonapartistes, des cléricaux, des légitimistes, des constitutionnels désabusés ou résignés qui ne demandent pas mieux que de détruire les institutions et la république, et qui le disent tout haut ! Ce qu’on nomme le grand parti conservateur, la coalition de salut public ralliée à la bannière du 16 mai, se compose de partis qui ne voient dans les institutions que la « porte de sortie, » — la révision, — dont a parlé M. le président du conseil, et qui, le jour venu, seraient prêts à se déchirer pour passer les premiers par cette porte ! Franchement, est-ce là ce qu’on propose comme le dernier mot de la politique conservatrice ? Est-ce à cette équivoque violente et périlleuse que peuvent se rallier les esprits sincères qui prétendent sans doute résister aux envahissemens du radicalisme, mais qui ne veulent pas d’un autre côté aider d’étranges libéraux à préparer le retour de l’empire ! Que peut penser le pays lorsqu’on lui offre ces programmes décevans et dangereux ? Le pays ne comprend pas. Il reste avec les institutions qu’on lui a données, et qu’il accepte telles qu’elles sont, avec les hommes qui les défendent, avec la politique de libérale modération qui seule peut lui assurer le repos dont il a besoin, en le préservant de tous les excès contraires, des révolutions et des réactions.

Tandis que nous nous agitons cependant, l’Europe, moins émue peut-être qu’intriguée de nos aventures, distraite tout au plus un instant par nos crises dénuées d’à-propos, l’Europe reste tout entière à cette autre