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défavorables, et un aruspice annonçait à l’empereur un péril imminent : Othon s’en réjouissait, car il n’ignorait pas que le moment où allait éclater la conjuration que ses amis tramaient contre le vieil empereur était proche. Tout à coup un de ses affranchis vient le prendre, et, sur un mot convenu, l’emmène avec lui. Othon, appuyé sur son bras, traverse « la maison de Tibère, » descend de là sur le Vélabre, et tournant à droite du côté du Forum, il arrive près du temple de Saturne, vers le milliaire d’or d’où partaient toutes les routes de l’empire. Là, il rencontre vingt-trois soldats de la garde prétorienne qui le proclament empereur, le jettent dans une litière et le mènent au camp, « pendant que Galba, dit Tacite, continuait à fatiguer de ses prières les dieux d’un empire qui n’était plus à lui. » La maison de Tibère devait donc être placée au nord du Palatin, du côté du Vélabre. C’était probablement une ancienne habitation de sa famille qu’il fit agrandir pour la mettre au niveau de sa fortune nouvelle. Il n’en reste aujourd’hui que quelques chambres étroites qui ont dû être des logemens de soldats ou d’esclaves ; peut-être en retrouvera-t-on davantage quand on aura fouillé les jardins qui recouvrent encore les constructions antiques.

C’est un peu plus loin, vers l’angle du Palatin qui regarde le Forum, que se trouvait le palais de Caligula. On dit qu’il était somptueux, qu’il avait été orné de peintures et de statues enlevées à tous les temples célèbres de la Grèce. Mais le Palatin ne suffisait pas à Caligula ; il poussa ses constructions jusque sur le Forum et fit du temple de Castor le vestibule de sa maison. A force de s’entendre dire qu’il était un dieu, il avait pris sa divinité au sérieux et traitait d’égal avec tous les habitans de l’Olympe. Non content de s’être fait élever un temple pour lui seul, où on lui immolait des paons, des perroquets et des oiseaux rares, il voulait prendre sa part des hommages qu’on adressait à tous les autres dieux, ses collègues ; il venait souvent dans le temple de Castor, s’asseyait gravement entre les deux Dioscures et se livrait ainsi à l’adoration des peuples. On raconte qu’il aperçut un jour dans la foule des dévots un cordonnier qui éclatait de rire, et qu’il lui demanda, probablement pour lui donner l’occasion de réparer sa faute, quel effet il lui faisait : « l’effet d’un grand sot, » répondit le cordonnier ; ce qui est assez surprenant, c’est que Caligula lui pardonna la hardiesse de sa réponse. Mais il se fâcha un jour contre Jupiter du Capitole, le grand dieu romain, qu’il accusait sans doute de lui manquer d’égards. On le vit souvent, transporté de fureur, murmurer à l’oreille de la statue de bois des mots menaçans. « Il faut qu’un de nous disparaisse, » lui répétait-il, et l’on craignait qu’il n’ordonnât, comme il l’avait fait pour d’autres dieux, de couper la tête de la vénérable image pour la remplacer par la sienne, lorsque tout à