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Palatina ne parait pas non plus assez vaste. Si le palais de Domitien était aussi élevé que Stace le prétend, on ne sait vraiment où l’on pouvait se mettre pour en embrasser toute la hauteur. A l’intérieur, ces habitations magnifiques nous plairaient davantage. Les salles, les cours, les portiques, exciteraient notre admiration. Je crois pourtant que nous serions fort surpris de n’y pas trouver de jardins. Quand les empereurs voulaient goûter les plaisirs des champs, ils sortaient de Rome. Tout près de la ville, sur le lac d’Albe, à Tibur, ils possédaient des villas charmantes qu’il leur était facile de visiter tant qu’il leur plaisait. S’ils tenaient à jouir de la vraie campagne, de la campagne sans apprêts et sans parure (rus verum barbarumque), ils allaient plus loin : on sait combien Antonin était heureux de faire ses vendanges dans ses grands domaines du Latium. Cela leur suffisait, et ils ne semblent pas avoir jamais planté au Palatin de ces jardins fastueux dont les riches d’aujourd’hui aiment à entourer leurs demeure[1]. Néron seul devança nos goûts ; mais peut-être était-ce moins par amour des champs que pour se donner le plaisir superbe de forcer la nature. Il lui semblait sans doute extraordinaire et tout à fait digne d’un césar d’amener des forêts au milieu de Rome et de posséder un étang d’eau salée à dix lieues de la mer. Ces réserves faites, nous serions, je crois, aussi frappés que les Romains de l’empire de la beauté des édifices construits sur le Palatin. Quoique datant d’époques différentes, ils ne devaient pas présenter entre eux ces diversités qui blessent l’œil d’un délicat. L’incendie, ce fléau chronique de l’ancienne Rome, les avait souvent atteints. A chaque fois on s’empressait de les rebâtir, car Rome, suivant le mot de Martial, ressemblait au phénix qui se rajeunit en se brûlant, et, quand on les rebâtissait, on les mettait toujours un peu à la mode du jour. De cette façon, les disparates qui pouvaient choquer s’étaient effacées, et il restait pourtant assez de différence pour piquer par le contraste l’attention des visiteurs. Chacun des palais avait son caractère et ses mérites particuliers. Celui d’Auguste devait être plus simple et d’un goût plus grave, celui de Domitien somptueux jusqu’à la profusion, celui de Sévère empreint de ce goût du grandiose qui se retrouve dans la construction des thermes de Caracalla. L’intérieur des appartemens était orné avec une magnificence incomparable ; les salles et les portiques ressemblaient à de véritables musées où l’on avait réuni les

  1. Il est pourtant question des jardins d’Adonis (Adonea), qui se trouvaient dans le palais de Domitien ; mais ils devaient avoir fort peu d’étendue. Par ce nom d’Adonea, les Syriens et les Égyptiens entendaient plutôt des jardinières que des jardins véritables. C’étaient des vases de terre où l’on semait, à l’époque de la fête d’Adonis, des plantes qui germent et meurent en quelques jours. Cette végétation hâtive et courte était une image de la destinée du héros dont on célébrait la mort prématurée.