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comptent par douzaines les lignes ferrées qui y aboutissent et qu’ils alimentent ? Il y a là un état de choses affligeant, contre lequel les intéressés n’ont cessé de protester et qu’il serait grand temps de faire disparaître. Il serait temps aussi qu’un chemin de fer direct reliât Marseille à Turin par les Alpes, le littoral du midi de la France à l’intérieur du Piémont et à la Lombardie. Ce chemin de fer, on l’a maintes fois étudié, projeté, piqueté même sur le terrain : quand le fera-t-on ?

Que dire maintenant des nouvelles lois qui régissent nos transactions ? L’impôt de 5 pour 100 sur les transports par petite vitesse détruit notre commerce intérieur. Il faut abolir ce désastreux impôt. Nous payons plus cher qu’aucun autre peuple les transports par chemin de fer, par la poste et les dépêches télégraphiques. C’est encore un mal, car tout ce qui gêne les transports, de quelque nature qu’ils soient, est vicieux. On peut dire que la civilisation et le progrès sont tout entiers engagés dans une question de transport, soit terrestre, soit maritime, et que les peuples qui ont le mieux résolu cette question par les voies les plus économiques, les plus rapides, ont été en tête des autres. Voyez dans l’antiquité les Phéniciens, les Assyriens, les Grecs, les Romains ; plus tard les Arabes, les Italiens, qui allaient par terre jusqu’en Chine ; puis, dans les temps modernes, les Portugais, les Espagnols, les Hollandais, les Anglais, les Français, les Américains des États-Unis. Les peuples qui n’ont pas perfectionné leurs voies de transport sont restés stationnaires et comme cloués sur place, immobiles dans leur premier élan. Tels sont les Hindous et les Chinois, pour lesquels les siècles ont marché sans qu’ils aient marché eux-mêmes, sans qu’ils aient fait, sauf le premier jour, aucun progrès notable.

La France, on ne saurait trop le faire remarquer, est comme un isthme à l’occident de l’Europe. Sur la Méditerranée, Marseille occupe la tête de cet isthme ; sur la Manche, c’est Calais, Boulogne, Le Havre. L’isthme français évite aux voyageurs et aux marchandises qui se rendent dans la Grande-Bretagne, ce centre commercial vers lequel tout converge, le détour par Gibraltar ou par l’Europe orientale ou centrale, par le Danube ou par les Alpes helvétiques. Il faut donc percer en quelque sorte notre isthme par la voie la plus courte, la plus accélérée, la moins coûteuse, par un chemin de fer direct de Marseille à Calais. Ce chemin deviendra même indispensable le jour où un tunnel sera ouvert sous la Manche entre Calais et Douvres ; mais alors il sera peut-être trop tard, car le commerce aura pris des voies nouvelles, celles précisément qu’on lui prépare en éventrant les Alpes centrales, en ouvrant la vallée du Danube. En 1872, une compagnie française très sérieuse, en tête de laquelle