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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/665

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aberration et faire usage pour leur nourriture de matières absolument corrompues ? Heureusement, ainsi que je le disais en commençant, les exceptions ne doivent pas faire oublier une règle générale. Or la loi générale est celle-ci : toutes les fois qu’une matière animale est putréfiée et qu’elle ne peut plus servir à notre nourriture, elle nous inspire un profond et insurmontable dégoût.

Revenons maintenant aux animaux sans vertèbres et aux sentimens de goût et de dégoût qu’ils nous inspirent. L’horreur que nous avons de la mort s’étend aux animaux qui vivent de la mort, à toute cette infecte vermine qui se repaît des cadavres décomposés, et, par une généralisation immédiate, instinctive, pour tous les animaux rampans, pour tous les vers, nos sentimens sont les mêmes. Parmi ces vers, il en est qui nous répugnent plus encore que les autres, ce sont les animaux parasitaires : c’est que ceux-là sont en outre dangereux pour nous. Souvent la douleur qu’ils causent est nulle, et si un instinct puissant ne nous commandait de nous débarrasser d’eux, leur présence deviendrait un véritable danger. Comme toujours, l’instinct est aveugle et enveloppe d’une même réprobation les animaux nuisibles et ceux qui leur ressemblent. Ainsi la chenille est un être parfaitement inoffensif, mais comme elle ressemble à un ver, elle nous inspire de la répugnance. Dès qu’elle est devenue un papillon, elle nous séduit par sa forme et sa couleur, et le même animal, sous deux formes différentes, provoque en nous des sentimens tout différens : tantôt il nous plaît, tantôt il nous répugne. C’est à peu près ce que nous avons vu au début pour les matières organisées, qui, décomposées en leurs élémens, nous sont devenues indifférentes, alors qu’étant combinées dans de certaines proportions elles étaient insupportables. En somme, nos sens et nos instincts ne sont frappés que par la forme de la substance, et non par la substance même, par la forme d’un être et non par l’être lui-même.

Parmi les insectes, les plus dangereux pour l’homme sont évidemment les araignées, qui souvent ont un venin redoutable. Ces animaux, malgré certaines exceptions bien connues, sont un objet d’aversion, et nous ne pouvons distinguer les araignées venimeuses de celles qui ne le sont pas.

Les myriades d’êtres vivans disséminés dans la mer n’offrent aucun danger pour notre existence. La plupart d’entre eux peuvent même nous servir de nourriture. Aussi ne nous inspirent-ils de répulsion que si, par leurs formes, leurs caractères physiques, ils ressemblent aux vers ou aux reptiles que nous voyons près de nous, qui sont en rapport avec nous, et contre lesquels nous sommes forcés de nous défendre. Au contraire, les animaux vivant dans l’eau