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pages à la dernière éclate la sympathie de l’auteur pour cette belle cité de Florence, la vraie capitale italienne dans le passé. M. Perrens le dit expressément, et sans la moindre allusion politique, tant il est entraîné par la force des choses : « Quoi de plus grec qu’Athènes, de plus français que Paris, de plus italien que Florence? Milan et Venise appartiennent à peine à la péninsule italique; Naples est tour à tour grecque, normande, angevine, rarement elle-même; Rome disparaît devant le pape, qui en fait une ville cosmopolite et l’absorbe, alors même qu’il en est éloigné. Seule en Italie, Florence sait se transformer, sans cesser d’être fidèle à ses plus anciennes origines. Si l’on veut trouver et marquer les caractères permanens de la race, c’est derrière ses sombres murailles, c’est sur les délicieuses montagnes dont elles sont entourées, qu’il faut les chercher et les étudier, » Avais-je tort de dire en commençant que M. Perrens, comme M. Alphonse Dantier, vient d’enrichir la liste des œuvres qui depuis tant de siècles rattachent les lettres françaises aux destinées de l’Italie?

Ce n’est pas une histoire comme celle de M. Perrens, ni une série d’études comme celles de M. Dantier, que nous apporte un livre publié en ce moment même par M. le comte Arthur de Gobineau, c’est un tableau dramatique de l’Italie du temps de la renaissance. La Renaissance, scènes historiques, tel est le titre de cet ouvrage. Qu’on ne s’y trompe pas cependant; l’imagination, qui joue ici un rôle si distingué, n’est pas cette espèce d’imagination qui n’a point de comptes à rendre à la critique savante. Il faut au contraire une science très précise pour imaginer de la sorte. Faire parler Alexandre VI et César Borgia, Mme Lucrèce et la veuve du duc de Gandia, Savonarole et Machiavel, Jules II et Michel-Ange, Léon X et Bramante, c’est une entreprise hardie, même pour les maîtres de l’invention, car on risque toujours de rester bien au-dessous de la réalité, M. le comte de Gobineau, esprit très curieux, très ouvert, diplomate initié au secret des grandes affaires, s’est proposé de reproduire quelque chose de la vie intime de cette prodigieuse époque. Au milieu de tant de crimes, en face de ces passions effroyables et de ces merveilles de génie, quels ont été les sentimens des principaux personnages? Comment se sont exprimés les coupables et les victimes? Il y a mille choses que l’histoire ne dit pas, que les chroniques même indiquent seulement d’une façon décousue ; en s’inspirant de l’histoire, en s’aidant des chroniques, on peut s’introduire dans la familiarité des hommes mêlés à ces horribles drames, se glisser à leur foyer, entendre les plaintes et les protestations, en un mot compléter l’histoire officielle par l’image des existences privées. Tâche délicate et bien faite pour tenter une intelligence pénétrante. Il y faut une connaissance singulièrement précise de tous les documens. Ainsi a procédé M. Vitet quand il a écrit le Retour de Vincennes, les Barricades, les États de Blois, les États d’Orléans. C’est à l’école de M. Vitet que se rattache très habilement