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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/760

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adroitement, écrivait-il à Charrier le 26 octobre, et sans qu’il paraisse que cela vient de vous, que les jansénistes appréhendent fort que le coadjuteur ne soit cardinal, parce qu’ils savent bien que cette qualité l’attachera inséparablement aux intérêts de la cour de Rome, et qu’ils attendent avec impatience la rupture de cette affaire, croyant que le coadjuteur, étant aigri du refus et obligé par la nécessité de s’élever d’une autre manière, se jettera tout à fait dans leur cabale, qui est très puissante en France, et qui serait merveilleusement fortifiée par l’intelligence qu’ils espèrent qu’il aurait en ce cas avec eux... » — « Dans le fond, dit Guy Joly, le coadjuteur ne fut ni janséniste, ni moliniste, et il s’embarrassait fort peu des disputes du temps. » Bien qu’étroitement lié avec les solitaires de Port-Royal, il ne se souciait pas plus de la grâce efficace que de la grâce suffisante. Ces matières si ardues de la théologie n’avaient été pour lui qu’un exercice d’esprit et non une préoccupation de l’âme sur la destinée de l’homme.

Le coadjuteur, dans ses instructions à l’abbé Charrier, l’engageait à faire entendre à la cour de Rome que, s’il était nommé cardinal, il serait aussi dévoué aux intérêts de cette cour que l’avait été autrefois le cardinal Du Perron. Du Perron s’était toujours montré l’ardent défenseur des opinions ultramontaines, et c’est ce qui lui avait valu le chapeau de cardinal. En 1614, lors de la réunion des états-généraux, il s’opposa à la signature du formulaire présenté par les députés du tiers, portant « qu’il n’y a puissance en terre, quelle qu’elle soit, spirituelle ou temporelle, qui ait aucun droit sur le royaume de France et qui puisse dispenser ou absoudre les sujets de la fidélité et obéissance qu’ils doivent au souverain légitime. » Les deux autres ordres se rangèrent à l’avis de Du Perron, et l’assemblée se sépara sans avoir rien décidé sur ce point important. Dans une autre circonstance. Du Perron prit hautement la défense du livre de Bellarmin sur le pouvoir du pape, contre un arrêt du parlement qui condamnait cette doctrine comme attentatoire aux droits des souverains. Enfin, dans un Rituel qu’il publia à l’usage du diocèse de Sens, dont il était archevêque, il fit insérer la bulle in cœna Domini, qui avait été rejetée par les parlemens de France comme destructive des libertés de l’église gallicane. Le coadjuteur promettait de se comporter de la même manière, si on lui accordait le chapeau. « Ne manquez pas, s’il vous plaît, écrivait-il à Charrier le 10 novembre, de faire représenter, s’il se peut, par des personnes affidées, sans affectation, que l’on est sur le point de tenir les états-généraux, pour lesquelles députés commencent à marcher à Tours; qu’il se forme une grande cabale parmi les ecclésiastiques pour faire déclarer la chambre ecclésiastique concile national; que, dans