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ne cessait d’agir, de parler et d’écrire contre lui. De son côté, Condé, dans ses lettres et dans les pamphlets qu’il lançait contre Retz, ne cessait de le traiter en ennemi, ce qui rendait celui-ci fort glorieux. Révoquer la nomination de Retz, c’eût été le jeter aussitôt dans les bras de M. le prince. Voilà pourquoi Mazarin hésita jusqu’au bout à en venir à cette extrémité.

Les princes avaient vu d’un fort mauvais œil la nomination du coadjuteur au cardinalat. Ils s’en étaient plaints au duc d’Orléans, et, pour faire échouer la promotion, ils avaient envoyé à Rome Montreuil, secrétaire du prince de Conti, et deux pères jésuites qui étaient chargés par eux d’accuser le coadjuteur d’être janséniste.

« Le prince de Conti se plaint de ma nomination, écrivait le coadjuteur à Charrier le 1er octobre, et en a écrit à M. le duc d’Orléans, qui est demeuré ferme pour mes intérêts... On m’a donné avis qu’il avait envoyé Montreuil à Rome ; mandez-en des nouvelles promptement... » — « Puisque M. le duc d’Orléans a pris la défense de mes intérêts, disait-il à son agent dans une autre lettre en date du 5 octobre, avant que les princes eussent pris les armes, jugez de ce qu’il fera à présent qu’ils sont déclarés contre le roi. Si vous avez besoin, après la réponse du pape, d’une réplique de Monsieur, vous n’en manquerez pas, non plus que de la cour... » A quelques jours de là, les princes envoyaient à Rome l’abbé de Sillery, afin d’y contrecarrer la promotion du coadjuteur; mais, comme cet abbé avait eu l’imprudence, en passant à Lyon, de se vanter du sujet de son voyage, l’abbé d’Ainay l’avait fait arrêter à six lieues de la ville, et, par ordre du roi, on l’avait fait enfermer au château de Pierre-Scise. Il n’en sortit qu’à la fin de la fronde, en échange de la personne de l’abbé Fouquet, qui était prisonnier des princes[1].

Retz, averti de toutes ces menées, engageait l’abbé Charrier à ne rien négliger du côté de la Toscane pour se faire appuyer auprès des Espagnols par le bailli de Gondi. « Prenez du côté de Florence toutes les précautions qui vous seront nécessaires pour ce qui touche l’Espagne, lui disait-il. M. le bailli de Gondi peut adroitement faire connaître à leurs ministres que j’ai beaucoup de passion pour la paix, et que, sans comparaison d’un pauvre gentilhomme à un grand prince, j’ai plus de foi, plus de fermeté et plus de mémoire des obligations que M. le prince. »

Au milieu de sa lutte armée contre la cour, Condé n’oubliait pas que son plus redoutable ennemi était maître du pavé de Paris et qu’il lui livrait une rude guerre soit dans le parlement, soit dans les conseils du duc d’Orléans, soit dans l’opinion du public. Tandis qu’il envoyait Montreuil à Rome pour faire échouer la promotion

  1. Lettre du coadjuteur à l’abbé Charrier, du 26 octobre 1651.