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quoique petit, est des plus harmonieux et des mieux compris que je connaisse, et plus d’une ville de premier ordre s’enorgueillirait à bon droit de ce joyau perdu au fond des vallées du Guipuzcoa. On y suit dans tous ses caprices ce singulier mélange de l’art païen et de l’art chrétien, propre aux débuts de la renaissance. Deux corps principaux le composent, ornés d’élégantes colonnes cannelées et formant pavillon de chaque côté de la façade. Des chimères et des centaures, sculptés en bas-reliefs, décorent la base des piliers ; plus haut dans des niches s’alignent des statues de saints, et sous un large cintre, au-dessus de l’entrée, l’image du fondateur prie agenouillée. On monte aux galeries intérieures du premier étage par un escalier dont la voûte, curieusement ciselée dans le bois de châtaignier, est admirable de délicatesse et de conservation. Pourtant ni ces magnificences ni le tombeau lui-même du généreux prélat, tout entier en marbre de Paros et situé dans l’église d’Oñate, ne valent, selon moi, le simple cloître, vaste à peine de quelques mètres carrés, qui accompagne l’église et qui date de la même époque. Bâti au-dessus d’un petit affluent de la Deva, qui arrose la ville, il est suspendu entre ciel et terre, et cette position singulière, la vue des eaux que l’on domine comme d’une terrasse, leur léger murmure en fuyant le long des piliers, l’humidité qui s’en dégage et retombe en pleurs sur les dalles, donnent au lieu tranquille et solitaire je ne sais quel charme, quelle poésie pénétrante.

Les environs d’Oñate sont couverts d’admirables forêts de hêtres et de chênes, s’étendant sur un vaste espace, à travers un fouillis inextricable de petites vallées toutes plus sauvages les unes que les autres, et, malgré mes cartes ayant perdu mon chemin, je me rappelle y avoir erré plus de dix heures à l’aventure. Enfin j’arrivai à Ormaiztegui ; vu à quelque distance, du haut des versans boisés dont il est entouré, au-dessus de lui le gigantesque viaduc qui en dix enjambées franchit la vallée de l’Areria, le village présente un aspect charmant ; mais la réalité ne vaut pas l’apparence : ce n’est rien qu’un hameau sale, triste, pouilleux, et les habitans par malheur sont tels que le hameau. Ormaiztegui pourtant est la patrie de don Thomas Zumalacarregui, le héros de la première guerre civile ; on montre encore l’endroit où il est né, près de l’église, dans une humble chaumière précédée d’un petit jardin et occupée par de pauvres cultivateurs, comme l’étaient ses parens ; la chambre principale, écrasée par le toit et percée d’une étroite fenêtre qu’envahissent les plantes grimpantes, contient pour tous meubles, outre le lit, deux de ces larges coffres au dos arrondi qui servent aux montagnards à serrer leur linge. Frappé d’une balle à la cuisse devant Bilbao, le général revint mourir non loin de là, à Cegama, où