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dire un fils du genius loci. Qu’on nous permette ici une courte digression. Quand on veut expliquer La formation des nationalités primitives, il serait bon de substituer aussi en ethnologie la théorie des actions lentes à celle des révolutions subites. Une nationalité n’est pas un fait premier surgissant à un jour donné du fond ténébreux de l’histoire comme la Pallas antique sortant toute armée du cerveau de Jupiter; c’est la résultante d’une grande quantité de combinaisons, de fusions, d’éliminations et d’associations de toute espèce. Une fois formée, elle constitue sans doute un cadre pour ainsi dire indestructible, qui s’impose désormais aux élémens nouveaux qui viennent s’y adjoindre; mais l’unité, en ceci comme en bien d’autres choses, est un terme, non un principe originel. Tout porte à croire que, pendant une longue suite de siècles, il y eut une infiltration à peu près continue des populations venues du Danube et du Rhin dans celles qui, sorties probablement d’Afrique et d’Espagne, avaient refoulé ou absorbé les descendans des contemporains du renne et de l’ours des cavernes. La situation, au temps de César, de la Gaule belge, sans cesse entamée par de nouveaux arrivans, qui fuyaient les marais, les bois et les tribus pillardes de la Germanie, doit nous donner l’idée de ce qui s’est passé dans les siècles antérieurs sur le territoire de la Gaule entière.

Ammien Marcellin, transcrivant les précieuses et trop rares données du Grec Timagène, rapporte comme une tradition des druides qu’une partie de la population gauloise était indigène. Cela veut dire qu’elle ne se souvenait plus d’être venue d’ailleurs. C’est à cette partie que nous assignerions une origine méridionale et qu’il faudrait attribuer, selon toute apparence, la chaîne des monumens mégalithiques qui va de l’Afrique du nord, le long des rivages d’Espagne et de Gaule, jusqu’en Irlande, et même encore plus au nord. Les autres, continue Ammien, d’après la même source, sont venus des îles reculées et des régions transrhénanes, chassés de leurs demeures par la fréquence des guerres et les débordemens d’une mer furieuse. Voilà, sans contredit, l’indication la mieux fondée historiquement; c’est aussi la plus vraisemblable qui nous ait été léguée par l’antiquité sur nos origines ethniques, et il est étrange que si longtemps les historiens de la Gaule se soient représenté nos ancêtres comme arrivés tous par migrations successives des pays situés au-delà du Rhin et des Alpes. Du reste, il y aurait lieu de penser que la fusion des deux courans s’opéra assez pacifiquement. Du moins on ne voit plus aux temps historiques la moindre trace d’un antagonisme de races analogue à celui qui résulte ordinairement de la prise de possession du sol par une invasion conquérante.

A la fin, un type national se dégagea, les idiomes s’apparentèrent,