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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/863

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de tapis, de beaux vases; on savait étamer le cuivre, façonner des bijoux élégans, frapper des monnaies et des médailles; on avait inventé le savon ; les tisserands gaulois fabriquaient des étoffes à carreaux, et les tuniques des hauts personnages étaient souvent pailletées d’or. Il y avait déjà des grandes villes, et les connaissances en architecture allaient jusqu’à pouvoir jeter des ponts sur des fleuves tels que la Seine à Lutèce, la Somme à Samarobrive (Amiens) et la Loire à Genabum (Orléans). Le vieil oppide, enclos de fortes levées en terre, était en bien des lieux protégé par des murs épais où la pierre et le bois s’entremêlaient avec beaucoup d’art. Ces oppides, qui sont encore aujourd’hui semés sur tout le territoire de l’ancienne Gaule, témoignent d’une race avisée, laborieuse, devant se protéger, elle et ses richesses, contre les incursions des bandes pillardes. Ordinairement ils sont construits très judicieusement sur des hauteurs formant cap au-dessus de vallées profondes, de manière que leurs défenseurs pouvaient se masser sur une seule face pour tenir tête aux assaillans et ne laisser qu’un petit nombre de gardes sur les remparts défendus par les pentes abruptes. Quand le bruit d’une invasion se répandait dans le pays, les habitans de la région environnante accouraient avec leurs bestiaux et leurs chariots pour s’abriter derrière ces hauts talus. C’est ce qui permit à la Gaule de laisser passer et à la longue de fatiguer l’épouvantable irruption des Cimbres et des Teutons. Les riverains de la Manche avaient soin de se ménager une issue du côté de la mer pour s’enfuir en bateau dans le cas où ils auraient été trop pressés. Malgré les changemens que depuis cette époque la mer, rongeant continuellement les falaises, a fait subir à la configuration extérieure des côtes, cette mesure de précaution est encore très visible au grand oppide situé au-dessus du petit village de Puys, près de Dieppe, que le peuple appelle Camp de César, bien que César n’y ait jamais campé, et les vieilles chroniques cité de Limes, bien que, selon toute apparence, il ait toujours été très peu habité. Ce sont ces oppides qui compliquèrent beaucoup la conquête de l’Armorique par César. Il ne put en venir à bout qu’en annihilant la flotte indigène dans une bataille navale à laquelle les Armoricains commirent la faute de se laisser entraîner.

D’autre part, comme il arrive souvent chez les nations qui s’ouvrent à une vie supérieure, toutes les conditions de la civilisation ne se développaient pas également. Ainsi les armes de métal étaient habilement ciselées, mais la trempe du fer était faible, les épées s’émoussaient vite, les piques se recourbaient, et cette circonstance favorisa beaucoup les victoires des légionnaires. Chose étrange chez un peuple qui devait inventer les raffinemens de la literie, on couchait encore sur des peaux grossières, sur la paille, souvent même