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La Tasmanie n’a plus de convicts depuis 1853. Cependant encore aujourd’hui elle ramasse les dernières miettes de l’abondance qu’elle leur a due naguère. Lorsque l’honnête gouverneur sir William Denison fut obligé de se conformer au vœu de la population, on put bien décider qu’il ne serait plus envoyé de convicts en Tasmanie, mais on ne put la délivrer en même temps de ceux qui y avaient été transportés en si grand nombre. Il fallait laisser au temps et à la mort le soin de cette œuvre, et la Tasmanie dut rester, bon gré, mal gré, terre des convicts jusqu’à entière extinction de ses singuliers bienfaiteurs. L’Angleterre, en conséquence, continua de payer les frais d’entretien des convicts restans, soit 36 livres sterling 19 shillings par an et par tête de déporté, plus, pendant un nombre d’années dont il reste encore quelques-unes à courir, une somme ronde de 6,000 livres par an pour des dépenses générales de police ou autres décrétées pendant le gouvernement de la mère-patrie et ayant reçu dès cette époque un commencement d’application. En outre, il fut décidé que tout convict ayant reçu un pardon conditionnel qui récidiverait moins de six mois après son pardon retomberait à la charge de l’Angleterre, tandis qu’il serait à la charge de la colonie si la récidive avait lieu après les six mois expirés. Plus de vingt ans se sont écoulés depuis ces arrangemens, par conséquent ce dernier subside de la mère-patrie, important encore pendant les premières années, se trouve aujourd’hui singulièrement diminué. Lorsque M. Anthony Trollope visita la Tasmanie, il n’y restait plus que 284 convicts anglais, qu’on avait pris le parti de reléguer en compagnie des condamnés natifs de la colonie dans la prison de Port-Arthur, magnifique établissement construit aux beaux jours du convictisme, dans cette pointe sud-est de l’île qui porte, le nom de péninsule de Tasman. L’Angleterre fait encore la moitié des frais de cet établissement, soit 10,000 livres sterling, mais l’on augure que, lorsque le dernier transporté anglais sera mort, il faudra abandonner à la solitude cette prison trop coûteuse, en sorte que, lorsqu’elle sera purgée complètement des élémens impurs dont l’Angleterre l’avait faite le réceptacle, la Tasmanie ne pourra plus même entretenir ses propres condamnés sur le pied où elle les entretient aujourd’hui.

L’histoire de l’Australie de l’ouest est encore bien instructive sur ce sujet des convicts. Des six colonies australiennes, l’Australie de l’ouest est la moins prospère, et pour bonnes causes ; le sol en est aride, les terres arables sont séparées les unes des autres par de vastes espaces sablonneux, les pâturages maigres et éloignés du rivage, la forêt est plus épaisse et plus résistante à la hache que partout ailleurs, les noirs sont plus féroces et plus belliqueux que